Histoire du droit des obligations

HISTOIRE DU DROIT DES OBLIGATIONS

INTRODUCTION

1- Polysémie du terme obligation :
– lien de droit entre un créancier et un débiteur (negotium)
– titre (instrumentum) relatant l’existence de ce lien de droit : en droit commercial, les obligations désignent les valeurs mobilières constatant un emprunt émis par une collectivité publique ou par une société privée
– sens plus général, plusvague : on dit qu’il y a obligation chaque fois qu’une personne est tenue de respecter une prescription morale, légale ou réglementaire, quel qu’en soit l’objet. Par exemple, à Rome, les verbes obligare (créer un lien) ou solvere se rencontrent dans le domaine des relations des hommes avec les Dieux lorsque, à l’aide des rites et des formules consacrées par le fas (par opposition au jus), est crééou détruit le lien religieux. On appelait ainsi obligati ceux qui étaient voués aux Dieu et portaient, pour cette raison, un bandeau.
Il n’y a alors aucun lien de droit entre deux personnes ; la prétendue obligation ne comporte pas de créancier qui ait qualité pour en exiger l’exécution. Mieux vaut donc dire que dans ces situations on est en présence d’un devoir. Certes, toute obligation comporteun devoir, mais la réciproque n’est pas vraie. Tout devoir n’est une obligation que dans la mesure où il existe au profit d’un bénéficiaire déterminé, individualisé.
Seul le premier sens, entendu dans son sens technique fera l’objet du présent enseignement, étant entendu que cette polysémie témoigne de l’ampleur, de la complexité et de la diversité de la notion à traiter. D’ailleurs, malgré ladiversité de ces significations, le Code civil n’a pas défini ce terme essentiel du vocabulaire juridique et se contente seulement (art. 1101) d’envisager les objets de l’obligation. Sans doute cette définition allait-elle de soi pour les juristes de 1804, qui connaissaient parfaitement la définition des Institutes (vinculum iuris).
Mais cette absence de définition a laissé une partie de ladoctrine sur sa faim. Depuis le 19ème siècle, la doctrine juridique allemande (Brinz, Gierke) puis Belge (Cornil) a ainsi tenté de cerner les divers éléments nécessaires à la notion d’obligation. Schématiquement, deux visions s’opposent, l’une moniste, l’autre dualiste. Ces deux conceptions s’accordent sur la liste des éléments nécessaires à la notion d’obligation :
– des individus : un créancier ;un débiteur (au moins)
– une prestation à exécuter au profit du créancier
– la possibilité pour le créancier de contraindre le débiteur à l’accomplir
Plus précisément, distinction imaginée par des juristes de la fin du XIXè (dont le pionnier fut semble t-il Brinz en 1874) entre deux éléments :
– le devoir, la dette (Schuld) : ce qui est dû par le débiteur. Les romais appellent cela dèsla fin de la République (D. 46, 2, 1) debitum ou res debita.
– et l’engagement (Haftung ou obligatio) : responsabilité sanctionnée, pouvoir de maîtrise sur la personne du débiteur. En raison de cet engagement, de cette contrainte, le débiteur est appelé obligatus (celui qui est lié) : Haftung met à la disposition du créancier un moyen de contrainte direct ou indirect, qui lui permettra d’obtenirsatisfaction : il n’y a en effet d’obligation que si le débiteur peut être contraint à s’exécuter, au besoin contre son gré. Rapport de contrainte. Inversement, les Romains désignent dès le 1er siècle av. J. C. par le mot solutio (fait de délier, de dénouer, de libérer) le paiement qui met un terme à l’obligation.
Les deux conceptions s’opposent sur la manière de concevoir les rapports entre cesdeux éléments.
1) conception moniste : la contrainte (Haftung) n’est pas un élément à prt entière de l’obligation, mais, plus simplement, une conséquence que le système juridique attache à l’existence de l’obligation. La notion d’obligatio stricto sensu ne comporte donc qu’une seule dimension : le debitum ou Schuld.
2) Dans la théorie dualiste l’obligatio intègre les deux dimensions : la…