Jean racine berenice- acte iv, scène 4
RACINE, BERENICE
LECTURE ANALYTIQUE N°3 :acte IV, scène 4 : le monologue de Titus
TITUS :
Hé bien ! Titus, que viens-tu faire ?
Bérénice t’attend. Où viens-tu, téméraire ?
Tes adieux sont-ils prêts ? T’es-tu bien consulté ?
Ton coeur te promet-il assez de cruauté ? ( vers 990)
Car enfin au combat qui pour toi se prépare
C’est peu d’êtreconstant, il faut être barbare.
Soutiendrai-je ces yeux dont la douce langueur
Sait si bien découvrir les chemins de mon coeur ?
Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes, (995)
Attachés sur les miens, m’accabler de leurs larmes,
Me souviendrai-je alors de mon triste devoir ?
Pourrai-je dire enfin : «Je ne veux plus vous voir ?»
Je viens percer un coeur quej’adore, qui m’aime.
Et pourquoi le percer ? Qui l’ordonne ? Moi-même.(1000)
Car enfin Rome a-t-elle expliqué ses souhaits ?
L’entendons-nous crier autour de ce palais ?
Vois-je l’Etat penchant au bord du précipice ?
Ne le puis-je sauver que par ce sacrifice ?
Tout se tait ; et moi seul, trop prompt à me troubler, (1005)
J’avance des malheurs que je puis reculer.Et qui sait si, sensible aux vertus de la reine,
Rome ne voudra point l’avouer pour Romaine ?
Rome peut par son choix justifier le mien.
Non, non, encore un coup, ne précipitons rien. (1010)
Que Rome, avec ses lois, mette dans la balance
Tant de pleurs, tant d’amour, tant de persévérance,
Rome sera pour nous… Titus, ouvre les yeux !
Quel air respires-tu ?N’es-tu pas dans ces lieux
Où la haine des rois, avec le lait sucée, (1015)
Par crainte ou par amour ne peut être effacée ?
Rome jugea ta reine en condamnant ses rois.
N’as-tu pas en naissant entendu cette voix ?
Et n’as-tu pas encore ouï la renommée
T’annoncer ton devoir jusque dans ton armée ? (1020)
Et lorsque Bérénice arriva sur tes pas,
Ce que Rome enjugeait, ne l’entendis-tu pas ?
Faut-il donc tant de fois te le faire redire ?
Ah ! Lâche, fais l’amour, et renonce à l’empire.
Au bout de l’univers va, cours te confiner, (1025)
Et fais place à des coeurs plus dignes de régner.
Sont-ce là ces projets de grandeur et de gloire
Qui devaient dans les coeurs consacrer ma mémoire ?
Depuis huit jours je règne ; etjusques à ce jour,
Qu’ai-je fait pour l’honneur ? J’ai tout fait pour l’amour. (1030)
D’un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces heureux jours que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L’univers a-t-il vu changer ses destinées ? (1035)
Sais-je combien le ciel m’acompté de journées ?
Et de ce peu de jours, si longtemps attendus,
Ah ! Malheureux, combien j’en ai déjà perdus !
Ne tardons plus : faisons ce que l’honneur exige :
Rompons le seul lien. (1040)
RACINE, BERENICE
LECTURE ANALYTIQUE N°3 :acte IV, scène 4 : le monologue de Titus
CORRECTION DU COMMENTAIRE
INTRODUCTION
• un exemple trouvé sur internet mais corrigé :21 Novembre 1670, Hôtel de Bourgogne: le rideau se ferme sous les applaudissements du public. Les spectateurs, émus, viennent d’assister à la Première de la tragédie du jeune Racine Bérénice; dans sa loge, Louis XIV verse quelques larmes. Le défi est réussi: Racine dépasse Corneille dont la pièce Tite et Bérénice n’obtiendra jamais le succès attendu. A partir, d’un sujet simple, de « presquerien » , le jeune dramaturge, passé maître dans l’art de la tragédie régulière, déploie tout son talent. S’inspirant de l’histoire antique, il met en scène l’empereur romain Titus, poussé par le Sénat et le peuple à renoncer à son amour pour Bérénice, reine de Palestine. C’est dans la scène 4 de l’acte IV, juste avant le dénouement final, que se situe le coeur de la tragédie. Dans la scène 4…