L etat est il encore souverain

1. L’UE, entre fédération et confédération
1.1. Un système institutionnel hybride
Si le projet de Jean Monnet créant la Communauté européenne du charbon et de l’acier opte clairement pour la supranationalité, le traité de Rome de 1957 est un compromis comportant des éléments supranationaux et intergouvernementaux. La Commission européenne est un organe supranational qui dispose du monopole deproposition, pour tout ce qui relève à l’époque du domaine communautaire, mais elle n’a pas de pouvoir de décision. Celui-ci est dévolu au Conseil des Ministres, qui vote les propositions de la Commission. Or, le Conseil peut voter à la majorité, ce qui est un élément clairement supranational, puisque des États s’étant opposés à un texte se voient dans l’obligation de l’appliquer s’il a été adopté.Cependant, il peut aussi, dans certains domaines, comme le social ou la fiscalité, voter à l’unanimité, ce qui constitue un élément intergouvernemental préservant la souveraineté des États. Le compromis de Luxembourg en janvier 1966, issu de la crise de la chaise vide (juin 1965-janvier 1966), permet à un État estimant que ses intérêts vitaux sont en jeu d’exiger le report du vote et la poursuitede la négociation jusqu’au compromis. Ceci a bloqué le recours au vote à la majorité pendant vingt ans jusqu’à sa réhabilitation par l’Acte unique en 1986 pour tout ce qui concernait la réalisation du marché intérieur. L’utilisation du vote à la majorité, étendue par les traités de Maastricht, de Nice puis enfin de Lisbonne qui la redéfinit (double majorité), redonne un aspect plus fédéral àl’Union européenne (UE).
1.2. Un droit d’essence fédérale
L’élément sans doute le plus fédéral du système européen est le droit. En effet, l’existence d’une Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) – transformée en Cour de justice de l’Union européenne par le traité de Lisbonne – ) disposant de l’autorité de la chose jugée et dont les décisions s’imposent aux États membres constitue lefondement du fédéralisme européen. Sur cette base, la Cour a en outre développé une jurisprudence qui a confirmé l’essence fédérale du droit dit alors communautaire. En affirmant l’applicabilité directe de ce droit (arrêts van Gend en Loos, 1963 ; Van Duyn, 1974) et sa primauté sur les droits nationaux (arrêts Costa contre ENEL, 1964 et Simmenthal, 1978), elle a posé les principes même d’un droit dansune fédération.

Pourtant, l’UE n’est toujours pas une véritable fédération et reste un  » objet politique non identifié  » selon la formule de Jacques Delors.
1.3. L’affirmation du Conseil européen
L’instauration du Conseil européen en 1974, réunion quatre fois par an – périodicité décidée au Conseil de Séville (juin 2002) et maintenue par le traité de Lisbonne (art. 15 TUE) – des chefsd’État et de gouvernement sur une base strictement intergouvernementale, a redonné du poids à l’Europe des nations. L’importance qu’il a prise dans les avancées de la construction européenne au cours des deux dernières décennies et le fait qu’il devienne avec le traité de Lisbonne une institution à part entière montrent à quel point la coopération intergouvernementale fait partie intégrante du processusd’unification européenne.
1.4. L’évolution du cadre institutionnel vers le fédéral
Le traité de Maastricht, en faisant cohabiter trois piliers, le premier communautaire à tendance fédérale (comprenant les acquis de la CEE, de l’Acte unique et de l’Union économique et monétaire) et les deuxième (politique étrangère et de sécurité commune) et troisième (coopération policière et judiciaire en matièrepénale, ex-JAI) de nature intergouvernementale, donnait à l’UE une nature hybride. Le traité de Lisbonne l’a fait évoluer en supprimant les piliers, le caractère intergouvernemental n’étant conservé que pour un nombre limité de domaines comme la PESC (politique étrangère et de sécurité commune).
1.5. Et les régions ?
Elles profitent incontestablement de la construction européenne pour…