L4homme sa peinture et les femmes

Louis, artiste peintre, est un grand amateur de femmes. Il les choisit minutieusement et trouve dans chacune d’elles, ce petit quelque chose qui lui permet de peindre dans une folie enivrante …

Minuit sonne à l’horloge, je pris mon manteau et enfilai mes chaussures avant de fermer mon atelier à double tour ! Mes pas me portèrent jusqu’au Hédas. Je poussai le battant du bar l’imparfait.Nicole, la serveuse, me fit son éternel sourire de bienvenue.
-« Bonsoir Louis ! », me dit-elle d’un ton enjoué.
Je lui retournai sa politesse, sans plus d’attention. Je lançai un regard furtif dans la salle avant de m’accouder lentement au bar et commençai à regarder fixement la flamme rousse qui siégeait près de moi. Celle-ci ne mit pas beaucoup de temps à se rendre compte du manège que j’entamai.J’ai supposé, à son regard aguicheur*, qu’elle ne tarderait, sans doute pas, à venir m’aborder. Un quart d’heure plus tard, mes suppositions furent confirmées, et la crinière fuguasse de cette beauté vint se poser à côté de moi.
« Je vois bien votre petit jeu, monsieur ! me dit-elle,
De quel jeu parlez-vous donc ? » répondis-je ironiquement.
Elle me répondit par un rire cristallin et metira par la manche. Surpris par une telle confiance et une étonnante vivacité, je me laissai entraîner tout naturellement par la jeune femme. Arrivés au pas de la porte, je sentis un frisson d’excitation remonter le long de ma colonne vertébrale. L’air frais nocturne nous fouetta de plein gré. J’inhalai une bouffée d’air qui me brûla les narines. J’imaginai déjà, le chef d’œuvre flamboyant quepourrait me fournir cette merveille.

3h du matin sonne au clocher. Je me levai en regardant autour de moi, deux verres vides gisaient sur la table du salon et la jeune femme s’était lamentablement endormie sur le canapé. Je m’apprêtai à quitter les lieux quand une voix encore endormie me stoppa:
« … Que fais-tu ?
Il est temps pour moi de partir, j’ai du travail !
Mais … peut-on sevoir, bientôt ?
Je t’ai laissé mon adresse, premier tiroir de ta table de chevet, je t’attendrai demain, chez moi, avant la tombée de la nuit. »
Je n’en dis pas plus et fermai la porte d’un petit coup sec afin de montrer qu’il ne fallait pas me décevoir. Je ne connaissais ni son nom, ni ne lui avais demandé. Par simple principe, je refusai de connaître le nom des femmes que je peignai.Peut-être de peur de m’attacher… Je préférai que mes modèles restent des modèles, dont je ne me souviendrai que de leur beauté extérieure. C’était, me semblait-il, plus facile de peindre sans savoir. Une liberté que je me donnais, en peignant ce que je voyais, non pas ce que je connaissais.

Le lendemain, j’aperçus par la fenêtre de mon atelier, sa tignasse cuivrée ballotant de droite à gauche, aurythme de sa marche légère, bien que déterminée. Trois petits coups timides à ma porte me confirmèrent son appétit de savoir. J’ouvrai la porte et la laissai entrer prudemment avant de refermer derrière elle. Son regard ne sut où se porter, tant il y avait à regarder. Allant du plafond où une lucarne filtrait la lumière rouge du soleil couchant, à l’entassement de tous mes tableaux qui setrouvaient là. Sur une longue table de bois brut gisaient en vrac, un nombre infini de pots de peintures, les coulures sur la table se mélangeaient et formaient un empâtement de couleurs riches et variées. Je vis alors dans ces yeux, une étincelle… Comme émerveillée, elle se retourna vers moi, le visage béat.
Je ne savais pas que…
Que je peignais ?
Elle s’approcha prudemment et prit unportrait au hasard ; une femme brune, au regard noir perçant, totalement dévêtue. Elle passa lentement ses doigts sur la toile. Elle semblait émerveillée, et s’attardait sur les moindres détails. J’esquissai un sourire.
C’était donc ça ?
De nouveau, un sourire apparut sur mes lèvres.
Je vis dans son regard, comme une lueur d’espoir. L’espoir, que je lui demande de poser pour moi.
Je réfléchis…