La conscience est :

La Conscience est-elle une connaissance de soi ?

1) Définitions et problématique
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Rappel : la philosophie, une « conscience critique »…
La conscience est un thème majeur de la philosophie, sans doute parce que cette dernière se définit elle-même comme une sorte de “conscience supérieure” ou de « conscience critique », un redoublement de la pensée ordinaire se voulant « réflexion ». *
Exemple de définition
Lalande (20è) – « La conscience est la connaissance plus ou moins claire qu’un sujet possède de ses états, de ses pensées et de lui-même.”

On admet donc que la conscience est une forme de connaissance, une connaissance de soi. « Sujet » : la conscience est l’attribut d’un sujet unique et suppose celui-ci ; « états » fait référence aux états psychologiques, nécessairementvariés et changeants, d’un sujet ; les « pensées apparaissent comme le contenu principal de la conscience ; « lui-même » renvoie à l’identité et donc à la connaissance de soi.
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Etymologie
L’étymologie du mot semble confirmer cette hypothèse puisque cum-scientia en latin signifie « avec le savoir ». Il s’agirait donc d’une connaissance se rapportant à soi-même : savoir qui l’on est, ce quel’on pense, ce que l’on fait.
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« Connais-toi toi-même » (Socrate) : sens de la formule
Depuis ses origines, le projet de se connaître soi-même est l’ambition de la philosophie. Ainsi Socrate s’était-il approprié la formule de l’oracle de Delphes : « connais-toi toi-même ». Puis un philosophe comme Descartes répètera que rien ne se donne à connaître aussi aisément, aussi évidemment que sa proprepensée : l’âme se connaît elle-même avant de connaître le monde. Cependant ce que ces philosophes visaient par « connaissance de soi » ne comportait pas de caractère psychologique ou personnel ; il s’agissait simplement de définir le propre de l’homme, son «essence», c’est-à-dire de prendre conscience que nous sommes avant tout un esprit, une âme raisonnable.
Cette thèse répond à la question »qu’est-ce qu’un homme en général », mais elle ne répond pas à la question « qui suis-je en particulier » en tant qu’individu, en tant que sujet. Or lorsqu’on se demande « la conscience est-elle une connaissance de soi », c’est bien de la conscience individuelle qu’il s’agit, de l’homme en tant qu’individu qui s’interroge naturellement sur ses qualités personnelles, ses sentiments intérieurs, le sens deson rapport avec les autres, son avenir, etc… Donc dans ce sens, qu’est-ce que cela signifie être conscient de soi, se connaître soi-même ?
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Modalités et limites d’une connaissance de soi
Cette connaissance est-elle possible, a-t-elle des limites ? Est-ce que la réflexion suffit ? Faut-il plutôt agir, faut-il plutôt se fier aux autres ? Et surtout : n’est-ce pas la quête (plutôt que lerésultat) à jamais inachevée d’une vie ?
On a vu (cf. leçon « Le Sujet ») que le fait d’être-sujet se décidait en réalité dans le temps, comme un processus ou un devenir. La manière dont un sujet prend conscience de lui-même doit donc s’apparenter à un processus. Tout le problème de la conscience tient dans ce vecteur, ce trajet qui part (I) du rapport immédiat à soi-même qu’on peut appelersimplement « conscience de soi », qui (II) transite par une étape de « reconnaissance de soi » à travers l’action et la reconnaissance d’autrui, et qui débouche finalement (III) dans une sorte d’extériorisation de soi, de « conscience-hors-de-soi » : cela définit d’une part l’existence comme ouverture et engagement dans un monde où il s’agit moins pour le sujet de se connaître que d’être efficace, etd’autres part cela concerne des formes quasiment « objectives » de la conscience, sociales et collectives, qui déterminent au moins partiellement la conscience individuelle (III). Finalement, se connaître soi-même reviendrait surtout à connaître les facteurs extérieurs qui nous déterminent en nous laissant l’illusion d’être une conscience individuelle maîtresse d’elle-même. « Se connaître soi-même…