La gastronomie

Bourbon, et la gastronomie d’autrefois
Recherches historiques de Enis Rockel

Avant même que les Français n’arrivent, l’île avait une heureuse réputation du point de vue alimentaire : palmiers indigènes ; poissons et anguilles d’eau douce ; les produits de la mer, bien sûr ; des oiseaux pas farouches et en quantité ; de la tortue de terre et de mer. On trouvait dans l’île aussi deschèvres et des porcs introduits depuis longtemps, et qui se reproduisaient prodigieusement !

Dans les récits des tout premiers navigateurs portugais ayant touché l’île avant le XVIIème siècle, rapportés par l’historien Emile Tourette, il est question d’à peine trois fruits présents à Santa Apolonia : une orange amère (bigarrade), une mandarine sauvage (vangassaye) et la vavangue (vangueiraedulis), tous les trois originaires de Madagascar. Entre 1650 et 1660, en dix ans seulement, d’autres fruits ont été introduits : l’ananas, le coco, le pamplemousse, l’orange et le citron. Ils étaient présents à Maurice dès 1606.

Les deux premiers groupes à avoir séjourné temporairement à Bourbon, celui de Jean Leclerc et de Beaumont, accompagnés de dix Malgaches, autrement dit, les 12mutins de Fort Dauphin (1646 à 1649), et celui de Marovoule (Antoine Couillard), composé de 7 Français et de 7 Malgaches (1654 à 1658), n’ont pas beaucoup changé la façon d’utiliser les ressources alimentaires ; ils ont continué à chasser et se sont livrés à des vagues plantations. Des pastèques notamment pour le premier groupe, puis quelques légumes, racines et herbes potagères pour le deuxième, qui aaussi introduit et cultivé du tabac. C’est avec le groupe de Marovoule, très probablement, que les animaux de basse cour, poules, pintades, dindes et canards ont été introduits. A partir du moment où ses hommes, contrairement aux premiers, étaient venus avec le nécessaire pour vivre, pour mettre en valeur les terres, cela est tout à fait probable.

Lors du passage de Roger Lebourg en1649, pour récupérer les douze mutins, le commandant signale aussi l’existence du poivre blanc, et du poivre à queue que les médecins appelaient « cubebe ». Lebourg introduit à ce moment-là, quatre génisses et un taureau. Cinq ans plus tard, 1654, le groupe de Marovoule introduit encore cinq vaches pleines et un petit taureau qui se sont mêlés à la trentaine de bovins déjà présents.

Dans lesinstructions laissées par Monsieur De la Haye aux Bourbonnais en 1674, on lit : « …interdiction de la chasse, du commerce clandestin, la destruction abusive des essaims, des tortues et du gibier ». Ceci nous laisse penser que, pour que des essaims d’abeilles se trouvent un peu partout dans les forêts, cela implique leur existence depuis longtemps. Donc, il est très probable que les premiershabitants de Bourbon aient consommé du miel.

La tortue, un gibier spécial !

Concernant la tortue de terre, en plus de sa propre viande, sa graisse très fluide était utilisée pour accommoder d’autres préparations culinaires, aussi bien cuites qu’en salade ; on sait aussi, que l’huile de foie de tortue mélangé au jus de citron, était un médicament imparable contre le terrible scorbut, or, sachantce que représentait cette maladie jadis, on avait grandement besoin de ce remède miracle ! Par ailleurs, on faisait des récits « marseillais » quant aux mille bienfaits, et de la viande, et de la graisse, et de la carapace de la tortue. Résultat : il a fallu légiférer dès le début du peuplement pour protéger l’existence des ces sympathiques animaux. Cela, sans compter avec le fait que les cochonssauvages mangeaient de la tortue, sans modération !

On réglemente la chasse

A partir de 1665, début de la colonisation définitive, et durant une cinquantaine d’années, la recherche de la nourriture va se borner à ces usages primitifs de la chasse et de la pêche, sauf que, dans un souci de la préservation de certaines espèces, déjà, dès cette époque-là on a déterminé des saisons de…