La prospérité du vice

La prospérité du vice

Introduction

Ce qui s’est passé hier en Europe se répète aujourd’hui dans le reste du monde : la société industrielle remplace la société rurale. De nouvelles puissances émergent : l’Inde et la Chine. Les rivalités éclatent pour le contrôle des matières premières et les crises financières se répètent. Le principal risque du XXIe siècle est la répétition au niveauplanétaire de l’histoire de l’Occident lui-même. L’Europe n’est pas sortie indemne de la révolution industrielle même si elle pense, malgré la crise, être le continent de la paix et de la prospérité. Elle oublie vite la Seconde Guerre Mondiale. Qui put dire aujourd’hui que l’Asie échappera à ce destin tragique ? On se rassure en pensant que la prospérité amène la paix, que les échangescommerciaux pacifieront les relations internationales mais la Première Guerre Mondiale a éclaté dans un contexte de prospérité.
De même, la richesse et l’éducation n’empêchent pas les terroristes. Comment l’Europe , qui a été le siège d’une civilisation du « bien-être » a-t-elle pu finir sa course dans le suicide collectif des deux guerres mondiales ? Quels sont les risques qui pèsent aujourd’hui surle monde, à l’heure où il s’occidentalise ?

Des lois cachées dès l’origine du monde

Jusqu’au XVIIIe siècle, le revenu moyen des habitants de la planète est resté constant car la croissance économique entraîne la croissance démographique. Les hommes deviennent trop nombreux pour la terre cultivée et famines et épidémies viennent invariablement briser l’essor des sociétés en croissance (loide Malthus). Le niveau de vie d’un esclave romain est le même que celui d’un paysan au XVIIe siècle et que celui d’un ouvrier au XIIe siècle. Il est proche de celui des pauvres du monde moderne : environ un dollar par jour. De même, l’espérance de vie est la même et de 35 ans. Tout ce qui augmente la mortalité est bon pour la prospérité. A l’inverse l’hygiène est mauvaise pour la prospérité car lapopulation augmente et les habitants sont plus pauvres. C’est le règne de la prospérité du vice.

Aux origines de la suprématie européenne

L’humanité doit pourtant à l’Europe la découverte du moyen d’allier croissance démographique et croissance économique. Cette évolution se déroule entre le XIIe et le XVIIIe siècle : le long Moyen-Age. La croissance améliore enfin les conditions de vie etl’allonge. L’ère moderne est caractérisée par le recul de la mort.
Cela s’est passé en Europe alors que la Chine était mieux partie (trois découvertes fondamentales du monde moderne : boussole, imprimerie et poudre). Mais l’empereur chinois a décidé de stopper l’exploration du monde, la croissance au profit de la stabilité intérieure. L’Europe choisit l’autre voie à cause des rivalités entrepays. Au cœur du dynamisme européen se trouve le poison qui causera sa perte : à chaque fois qu’une nation domine les autres, elle entraîne la création d’une coalition pour l’abattre.

L’addiction à la croissance

L’industrialisation ne bouleverse pas seulement l’équilibre des puissances, elle transforme le fonctionnement interne des sociétés : destruction créatrice de Schumpeter. Il y aalternance de prospérité et de dépression. La Première Guerre mondiale a éclaté dans la prospérité alors que la Seconde provient de la dislocation de la société allemande sous l’effet de la crise de 1929. La crise des subprimes a remis en œuvre les mêmes mécanismes que la crise de 1929 alors que le monde de l’après guerre avait compris la leçon. Cependant, la crise des années 1970, la chute du mur deBerlin et la révolution financière des années 1980 ont enterré le consensus des années 1950 et 1960. Et en 3 décennies, la crise est revenue. La crise actuelle pose la question de la régulation morale du capitalisme avec les mouvements de capitaux libres depuis les années 1980. Les hommes aujourd’hui ne sont pas plus heureux qu’avant. L’homme malthusien avait faim, maintenant l’homme a faim de…