La subjectivité de pierre vallières dans les nègres blancs d’amérique
Lorsque Pierre Vallières écrit Nègres blancs d’Amérique en 1968, le Québec est en pleine période de décolonisation. Albert Memmi a publié Portrait du colonisé en 1957, et Franz Fanon, Les damnés de la terre en 1961. Au Québec, les intellectuels sont séduits par la possibilité d’articuler un discours socialement plus égalitaire (voire socialiste ou, en tout cas, dit de gauche) et un discoursnationaliste. Le nationalisme, fort critiqué depuis la Deuxième Guerre mondiale — ailleurs parce qu’associé au fascisme et à divers mouvements conservateurs et ici parce que manipulé par Duplessis —, le « renouveau » nationalisme, pouvait, dans ce contexte de décolonisation, devenir un discours émancipateur (de gauche ou progressiste). Ces représentations, ces constructions symboliques ne visent passeulement à décrire la réalité. L’objectif est plutôt de rassembler, de mobiliser, de faire agir un groupe donné, en l’occurrence les Canadiens français que l’on a commencé à désigner comme des Québécois.
Le chapitre qui nous intéressera, permet de tenter au moins de saisir, rétrospectivement, la cohérence d’un parcours et d’une pensée dont l’évolution n’a jamais été très évidente. Dans sonouvrage, P. Vallières compare la condition des Canadiens français du Québec à celle des Noirs américains (de là le titre). L’argumentation de l’auteur tient à ce que les Canadiens français ont été les serviteurs de l’impérialisme français, anglais et américain. Du point de vue de Vallières, l’histoire du Québec est marquée par la volonté des milieux financiers de garder le peuple le plus loin possiblede la conduite de sa destinée.
Au commencement de la colonisation française, P. Vallières explique que les colons choisis étaient des « rejetés » de la société française et qu’ils étaient « engagés » afin d’établir une toute nouvelle société avec tout ses aboutissants ; comptoir de traite, agriculture et bien sûr de nombreux enfants pour assurer la survivance d’un peuple en devenir. Lesclasses dirigeantes s’étaient affranchies de ces « parias » en les envoyant en Nouvelle-France alors que ce qu’on leur demandait était justement ce qu’ils n’avaient pas su faire auparavant. Une fois arrivé en Nouvelle-France, ils devaient créer une certaine économie autonome qui du coup, se devait d’être essentiellement une source de profit pour la France, un mercantilisme français. Ce qui ne fut pastout à fait le cas. Bien au contraire, la Nouvelle France devenait une charge économique et les colons apparaissaient comme des « concurrents ». Graduellement, la France abandonna les colons a leurs misères et leurs désespoirs. Chômeurs et affamés constituaient le peuple opprimé et esclave que constituait la Nouvelle-France à la veille de l’intrusion Britannique.
La société anglaise prit larelève et continua de tenir les colons loin de toutes formes d’émancipation, s’alliant à l’Église et à la bourgeoisie, demeurée en Nouvelle-France. Le clergé et son influence, continua de propager ses exigences autoritaires dans le domaine de l’éducation et du « retour à la terre » alors que les seigneurs purent conserver leurs avoirs. Tout se poursuivra comme avant la venue des anglais. La descriptionde cette époque qu’en fait justement P. Vallières sert encore une fois à démontrer le caractère esclavagiste des Canadiens-français. Il les décrit comme étant « des bêtes de somme, méprisées dans un pays hostile »[1].
Même si pendant un certain temps, les Canadiens français crurent entrevoir un destin plus favorable, grâce à la rébellion des Patriotes de 1837-1838, les éléments associés àl’oppression ne cessèrent de faire partie de la vie des colons. Tout au long de cette période, le peuple du bas canada, fut soumit à des interdépendances les rendant vulnérables et ignorants vis-à-vis leur statut d’habitant du Canada. Et cela serait singulièrement imputable à leurs conditions de catholique traditionaliste et des dispositions dans lesquelles le clergé et les haut dirigeants les…