La théorie des actes de gouvernement : quel avenir ?
TD administratif n°15 : La délimitation de la compétence du juge administratif
Dissertation : La théorie des actes de gouvernement : quel avenir ?
« L’acte de gouvernement est la dénomination appliquée à un certain nombre d’actes émanant des autorités exécutives et dont la caractéristique est de bénéficier d’une immunité juridictionnelle absolue. De tels actes ne sont pas susceptiblesd’être déférés au Conseil d’Etat par la voie contentieuse. D’abord justifiée par la théorie dite du mobile politique, la catégorie d’actes du gouvernement a été ultérieurement réduite, faute d’un critère spécifique, à une simple énumération dont le contenu n’a cessé de se restreindre ; cette restriction a permis de reconnaître dans les actes de gouvernement, sinon l’expression d’une fonctiongouvernementale distincte de la fonction administrative, du moins des actes, qui, d’une part, intéressant les relation intérieures, mettent en cause, dans le cadre du Droit international, les rapports du pouvoir exécutif avec les puissances étrangères ou les organisations internationales » (Dictionnaire juridique Le Cornu).
C’est la jurisprudence administrative qui a élaboré la théorie des actes degouvernement et déterminé quels sont ces actes. Ce sont des actes intermédiaires entre les actes législatifs et les actes administratifs. Ils ont une caractéristique commune avec les actes législatifs : ils ne peuvent pas être attaqués devant le juge administratif. Mais ils ont un commun avec les actes administratifs qu’ils émanent du pouvoir exécutif.
À l’origine, cette catégorie se définissait pas lebut de l’acte. Dès lors que l’acte avait ce qu’on appelait au XIXe siècle « un mobile politique », il était considéré comme un acte de gouvernement. Cette théorie a été abandonnée dans l’arrêt Prince Napoléon (CE, 1875) rendu à propos d’un recours contre une radiation de l’annuaire militaire. Aujourd’hui, on peut dire qu’au contraire, si un acte a été pris pour un mobile politique, non seulementil n’est pas, de ce fait, insusceptible de recours, mais encore il est entaché d’illégalité, l’administration ne devant pas prendre ses décisions, en règle générale, en fonction de considérations de cette nature. Tel fut le cas dans l’arrêt Barel (CE, 1954). Ce critère du mobile politique abandonné, il n’a pas été remplacé depuis lors, de telle sorte que les actes de gouvernement ne peuvent faireaujourd’hui l’objet d’une définition générale et théorique, mais seulement d’une liste établie d’après la jurisprudence. De plus cette théorie des actes de gouvernement subit des atténuations de façon régulière par le Conseil d’Etat.
Dès lors on en vient à se demander quel avenir pour la théorie des actes de gouvernement ? Ont-ils encore une utilité aujourd’hui, en droit positif, ou ne s’agit-ilplus qu’une simple théorie inutilisée (inutilisable ?) en pratique ? Cette théorie est-elle tombée en désuétude ? Qu’en dit la doctrine ? Quelles sont ses limites et quels sont ses avantages ?
Afin de traiter cette question, il faut d’abord étudier la théorie empirique des actes de gouvernement (I) avant de se prononcer sur l’avenir des cette théorie potentiellement en sursis (II).
I – Lathéorie empirique des actes de gouvernement
La théorie des actes de gouvernement est d’origine prétorienne et a pour principe l’immunité juridictionnelle absolue (A), qui cependant souffre une double limite (B).
A. Le principe de l’acte de gouvernement : l’immunité juridictionnelle absolue
Sous le Second Empire, était considéré comme acte de gouvernement, toute mesure inspirée par un mobilepolitique (CE, 9 mai 1867, Duc D’aumale). Cette conception a été abandonnée le 19 février 1875 (CE, Prince Napoléon). Le Conseil d’Etat et le Tribunal des Conflits ont peu à peu soustrait ces actes à toute discussion jurisprudentielle en réduisant leur nombre et, aujourd’hui, ne subsistent que deux domaines d’application de l’acte de gouvernement : les relations entre l’exécutif et le Parlement…