La vie politique
La vie politique Leçons philosophiques sur la vie
1. Le biopouvoir
– Le droit de vie et de mort
Longtemps la caractéristique du pouvoir a été le droit de vie et de mort ; l’emblème du pouvoir souverain est le glaive. Le pouvoir arrête ce qui menace le salut commun, de l’intérieur ou de l’extérieur. Son but est le salut du peuple, la sauvegarde de la vie. L’avènement de laraison universelle produit un changement dans la conception du pouvoir. Le pouvoir rationnel organise la vie, aménage le territoire, développe des politiques de précaution. « _On pourrait dire qu’au vieux droit de faire mourir ou de laisser vivre s’est substitué un pouvoir de faire vivre ou de rejeter dans la mort _». Michel Foucault, La volonté de savoir.
– Gérer la vie
Ce pouvoir de gestionde la vie peut être appelé « biopouvoir ». La nature du pouvoir se trouve ainsi modifiée. Le biopouvoir fait de la vie un objet : il agit sur_ _la vie selon une rationalité systématique. Il gère la vie et devient totalisant et potentiellement totalitaire. Ce pouvoir est invisible, il est partout sans être nulle part. Il ne se prête donc à aucun contrôle légal. Ses finalités ne sont pas objet dedébat ; il n’est donc pas un pouvoir politique au sens strict.
– Le biopouvoir, distinct du pouvoir politique
Il n’est pas certain que le lien entre la vie et le politique se réduise au biopouvoir, immanent aux structures et aux institutions. Le passage du pouvoir de donner la vie au pouvoir de gérer la vie s’accompagne d’un certain déclin du pouvoir politique. Le biopouvoir s’exerce sur lavie mais le pouvoir de l’Etat est au service de la vie déjà donnée : il y a là deux logiques opposées. Il convient donc de repenser le lien entre la vie et le pouvoir : le pouvoir référé à la vie de l’homme et de l’Etat et non pas sur la vie. Pour cela, il faut penser le droit. Il est essentiel à la réalité politique.
2. Droit à la vie et droit de vivre
– Le sens du « droit à »
Le« droit à » se distingue du « droit de » ; il apparaît plus tardivement dans l’histoire politique. Le « droit à » exige une intervention plus forte de l’Etat ; le « droit de » demande à l’Etat de garantir une possibilité. Ce dernier a été contesté par Marx comme étant purement formel. La liberté garantie par la loi ne sert à rien pour ceux qui n’ont pas les moyens concrets d’en faire usage. Ledroit ainsi compris est un leurre destiné à masquer les situations d’oppression et d’inégalités. Le « droit à » corrige cette illusion cynique : il exige non seulement une garantie abstraite mais la réalité. Ces deux conceptions du droit impliquent deux conceptions de l’Etat. Le « doit de » est lié à un Etat juridique ; le « doit à » présuppose un Etat interventionniste. Dans le premier cas, lesujet n’attend rien de l’Etat sinon la possibilité de développer son activité personnelle ; dans le second, le sujet attend de l’Etat la réalisation qu’il est impuissant à se donner à lui-même.
– Droit à la vie ?
Que dire alors de l’expression « droit à la vie » ? La vie est déjà possédée par le destinataire, et ce n’est pas un bien de l’Etat… En fait, ce « droit à » suppose un sujet dedroit en situation de réclamer ce qui lui manque gravement, il se rapporte donc à ce qui est vital. On ne peut penser un « droit à la vie ».
– La vie objet de droit
Le droit suppose la représentation d’une limite conceptuelle du possible ou d’une norme de ce qui doit être. Il garantit la coexistence pacifique en imposant des normes à tous au nom de la représentation de l’accord des volontés.Le droit régule par la médiation d’une représentation et d’une force elle-même médiatisée par la puissance publique. Il favorise ce qui peut ne pas être, il limite ou écarte ce qui ne doit pas être. Or la vie est de fait ; elle ne peut pas ne pas être. Comme telle, elle échappe au droit. Mais cette conclusion omet que la vie est vulnérable car ne dépend pas que d’elle-même ; la vie est autonome…