Le conseil constitutionnel est-il une juridiction ?

« Disposant de grands pouvoirs, le Conseil constitutionnel doit à tout prix éviter de s’ériger en gouvernement des juges ». François Mitterand

Par ce message, François Mitterand nous fait part de ses craintes à voir le Conseil constitutionnel s’assimiler à la Cour suprême américaine, dont les dérives lui on valu, un temps, le titre de « gouvernement des juges ».
La Cour suprême américaineconnaît en effet un véritable succès, et son prestige est considérable. C’est à elle que revient le contrôle de constitutionnalité.
Et c’est en cela que l’on a pu comparer notre Conseil constitutionnel et la Cour suprême, car il dispose tous deux de cette prérogative et fonction qu’est le contrôle de constitutionnalité.
Véritable innovation de la V ème république, ou reprise du Comitéconstitutionnel de 1946, les avis sont mitigés. Quoi qu’il en soit, la Constitution de 1958 en instituant ce Conseil a rompu avec la tradition. Rupture, car la tradition n’était jusqu’alors que très peu attaché au contrôle de constitutionnalité. Cependant les constituants de 1958 vont faire preuve d’un véritable attrait pour ce contrôle, dont le Conseil constitutionnel sera le garant.

Toutefois, leConseil constitutionnel n’a pas pour seul fonction ce contrôle, en témoigne le titre VII de la Constitution de la V ème République. Ainsi, le Conseil constitutionnel se doit de veiller à la régularité des référendums article 11 et 89, toutefois attention, il n’est toutefois pas compétent pour contrôler les lois référendaires, expression du peuple, et donc de la souveraineté. En plus de cetteattributions référendaires, il dispose d’une attribution en matière d’élection. En effet il doit aussi veiller à la régularité de l’élection du Président de la République, de fait, il examine les réclamations et proclame par la suite les résultats du scrutin, en dispose l’article 58 de la Constitution.
Enfin, le Conseil est aussi « gardien » des pouvoirs de l’article 16 de la Constitution. En effet, lePrésident se doit de le consulter quant à l’utilisation éventuelle de ces pouvoirs. Toutefois, si le Conseil émettait un avis négatif, le Président pourrait tout de même avoir recours à ces pouvoirs, mais cela rendrait l’utilisation de ces derniers politiquement incorrect, on serait alors dans ce qui s’apparente à un coup d’état.
Enfin c’est à lui que revient la tâche de déclarer un éventuelempêchement du Président en exercice.

Ses attributions sont donc multiples. Toutefois, le contrôle de constitutionnalité demeure l’attribution primordiale de ce Conseil. Et dans ce domaine, le Conseil a connu une relative évolution. Initialement, le Conseil se réunissait essentiellement pour contrôler le respect du domaine de la loi par le législateur. Cependant, des réformes, des lois organiques, etla pratique en elle même est venu quelque peu bousculer ce principe. La saisine du Conseil s’est vu en effet facilité et plus ouverte ( 60 députés / sénateurs ) et cela a eu pour effet de modifier la nature et le motif des saisines. C’est ainsi que le Conseil est peu à peu devenu un « juge de la conformité de la loi à l’ensemble des règles et principes à valeur constitutionnelle ».

Toutefoisla place véritable du Conseil est encore sujet à débat. Certains prétendent que le Conseil constitutionnel ferait ou doit faire partie de l’ordre judiciaire, d’autre prétendent qu’il est totalement extérieur à ce système d’ordre ( judiciaire / administratif ) et d’autre encore pense qu’il fait partie d’un troisième ordre, l’ordre constitutionnel, dont il serait l’unique juridiction.
Dès lors fautil voir le Conseil constitutionnel comme une juridiction assimilable au « gouvernement des juges » et à la Cour suprême, ou comme une simple institution et un « organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics » de la V e république ?

La distinction s’opère sur deux plans, et il semble y avoir dans chacun d’eux des avis divergents. Le fait est, que concevoir le Conseil constitutionnel…