Le contrôle de constitutionnalité, un mal nécessaire

TD Droit Constitutionnel n°4 :

« Le Contrôle de Constitutionnalité, un mal nécessaire »
La question du contrôle de constitutionnalité souligne le fait que la Constitution est considérée comme la norme suprême, étant donné qu’elle fonde le pouvoir de l’Etat en même temps qu’elle l’institue. Toutes les lois du pays doivent donc y être conformes. Cette hiérarchie des normes est respectée par lesdémocraties européennes, qui sont donc dotées aujourd’hui pour la plupart d’un contrôle de constitutionnalité et d’une Cour constitutionnelle. Dans la plupart des Etats, le contrôle de constitutionnalité existe à l’égard des règlements, comme les actes de l’Exécutif. Mais c’est surtout le contrôle de constitutionnalité des lois qui pose problème, sauf dans les très rares pays dotés d’uneConstitution souple, où par définition la loi ordinaire peut modifier la Constitution, il est partout admis que le législateur doit respecter la Constitution.
En se recentrant exclusivement sur le cas de la France on pourrait s’interroger sur l’utilité du contrôle de constitutionnalité des lois en France ?
Il faut pour cela étudier dans un premier temps l’émergence tardive de cette idée de contrôle deconstitutionnalité en France, d’une part par la crainte du système américain puis d’autres part revenir sur les différentes étapes de son instauration en France, en partant de l’idée de Sieyès en passant par la IVème République puis en terminant par la Vème République. Dans un second temps on doit se demander en quoi ce contrôle de constitutionnalité est toujours autant poussé, en revenant d’unepart sur la volonté d’origine pour la création de ce contrôle de constitutionnalité, l’encadrement du Parlement par une jurisprudence contraignante, puis en étudiant le Conseil constitutionnel qui est devenu en plus de ses fonctions de contrôle et de régulation, un gardien des droits fondamentaux et un protecteur de l’opposition parlementaire.
I- Une mise en place tardive
Au regard de l’article 6de la Déclaration du 26 août 1789, «La loi est l’expression de la volonté générale», le contrôle de constitutionnalité des lois a longtemps suscité en France une réticence quand à son introduction qui pourrait conduire à une profonde altération des souverainetés législative et populaire.
A- Les réticences vis-à-vis du modèle américain
La propension du juge constitutionnel américain àintervenir et à affecter l’équilibre institutionnel comme juridique a longtemps constitué le motif principal de son refus en France.

1) La notion de « gouvernement des juges »
C’est Edouard Lambert dans sa thèse Le Gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis (1921) qui fait apparaître cette notion, elle inquiète en ce sens qu’elle confère un pouvoir décisionneltotalement discrétionnaire au juge constitutionnel alors même que ce dernier ne bénéficie d’aucune légitimité électorale, ni ne connaît de contrôle de quelque nature que se soit. L’exemple américain illustre parfaitement cette crainte dans la mesure où la Cour suprême des Etats-Unis, véritable «pouvoir judiciaire», s’est elle-même octroyée un pouvoir de contrôle de constitutionnalité à l’occasion deson célèbre arrêt Marbury vs Madison (1803) et a dégagé des principes non contenus dans la Constitution en vertu de la théorie des «pouvoirs inhérents» («implied powers»).

2) La mise en place du contrôle de constitutionnalité en France
Après quelques expériences ratées dénaturant la finalité de la technique du contrôle de constitutionnalité, la France a intégré à sa Constitution un jugeconstitutionnel en 1958 .

1) L’idée de Sieyès
Sieyès avait envisagé la création d’un «jury de constitution» de cent huit parlementaires («jurie constitutionnaire») dès l’An III (discours du 2 thermidor) mais son initiative osée pour l’époque fut rejetée. L’époque était surtout marquée par le souci d’établir un contrôle de constitutionnalité assuré par l’opinion publique elle-même dans le cadre du…