Le partage de la dette

Le Partage de la dette Canada-Québec: la troisième période
Pierre Corbeil, Ph.D. Drummondville
1 La deuxième période: l’arbitrage de 1870
1.1 Le partage de 1867
La British North America Act a réuni sous un seul gouvernement semi-autonome les provinces nord-américaines de l’empire britannique, ou du moins la majorité‚ d’entre elles, à partir de l’année fiscale 1867 (01/07/1867). Alorsmême que cet empire britannique s’efface, après avoir agonisé‚ les Québécois se préparent à décider s’ils veulent éliminer les derniers vestiges de la BAN, ou poursuivre leur membership dans l’entité alors créé, le Dominion of Canada.
Dans la discussion entourant cette prise de décision, un aspect précis des suites concrètes d’une séparation entre le Dominion et le Québec prend une placesurprenante, mais compréhensible: le poids relatif de la dette publique du Dominion, et la part que pourrait, ou ne pourrait pas, assumer un nouvel Etat québécois. Cette question resurgit régulièrement dans la presse. Un peu avant le référendum de 1995, une excellente analyse fouillée des chiffres impliqués publié par la revue AGORA en novembre 1994 [1] faisait état d’une dette purementquébécoise de 79,5 milliards (pour tout le secteur publique et parapublique) en 1993 et calculait que la part relative de la dette du Dominion qui correspondait à la population du Québec serait de 108 milliards. Une analyse contemporaine parue dans LA PRESSE du 18 janvier 1995, dont l’auteur est carrément hostile au projet d’indépendance [2], proposait un chiffre de plus de 100 milliards comme dettepurement québécoise et calculait la part québécoise de la dette du Dominion à 150 milliards. Le pamphlet de l’Institut Fraser, lui aussi, faut-il le dire, partisan du statu quo, calculait que la dette publique d’un Québec indépendant atteindrait quelque chose comme 239 milliards [3]. Quoique fort intéressants, toutes ces analyses souffrent d’une faiblesse congénitale qui rendentpresque inopérantes tous les scénarios que l’on élabore à partir de leurs données. Il faut remarquer que tous ces savants analystes, malgré leurs efforts et leur intelligence, sont des économistes ou des spécialistes du domaine financier. Ciblant les chiffres, selon leur formation scientifique, ils en oublient les entités centrales de la question, c’est-à-dire le Dominion of Canada, ses membresconstituants, et le Québec. Les économistes imitent les médecins, tout absorbés par les symptômes au point d’en oublier le patient.
Dans la préparation du prochain débat référendaire, il est utile de remettre toutes ces questions de partage de dette dans une perspective historique
La question du est en réalité‚ une question qui remonte, au moins, au début de l’existence légale du Dominionof Canada. Un siècle n’est qu’un moment dans la vie des peuples et des états, et une juste analyse des questions contemporaines de dettes dépend d’une perspective exacte sur les débuts et les éléments clés de ces dettes. Il faut donc qu’une analyse historique précède tout savant calcul sur les montants et les partages
1.2 La loi, les juges et les arguments
Cachés aux yeux desQuébécois actuels, préoccupés plutôt par les questions de partage des pouvoirs, deux articles de la British North America Act dorment comme des sortilèges non désarmés: l’article 112 et l’article 142. Nous reproduisons ici les textes officiels des articles en question, avec une traduction française en note pour alléger la lecture.
L’article 112 dit ceci:
Ontario and Quebec conjointly shall beliable to Canada for the Amount (if any) by which the Debt of the Province of Canada exceeds at the Union Sixty-two million five hundred thousand Dollars, and shall be charged with Interest at the Rate of Five per Centum per Annum thereon.[4]
L’article 142 prescrit:
The Division and Adjustments of the Debts, Credits, Liabilities, Properties, and Assets of Upper Canada and Lower Canada…