Le taylorisme est-il mort?

1. Premier principe : la division verticale du travail.
C’est la séparation entre le travail d’exécution et le travail intellectuel de conception, assuré par les ingénieurs du «bureau des méthodes». Par la
démarche scientifique (étude du poste, décomposition et simplification des gestes, attribution d’un temps d’exécution à chaque tâche élémentaire), ils
déterminent la seule bonne façond’effectuer une tâche («the one best way»). Ainsi, Taylor, chargé d’améliorer les méthodes dans une entreprise
minière, va jusqu’à montrer au manoeuvre la bonne façon de charger sa pelle pour atteindre la productivité quotidienne moyenne la plus élevée.
Taylor préconise donc le «développement d’une science qui, remplace le vieux système de connaissances empiriques des ouvriers». Dans un
contexte auxUSA marqué par le pouvoir des ouvriers de métier syndiqués et par la faiblesse de la qualification de la main d’oeuvre immigrée, cette
proposition de Taylor ne pouvait que recevoir bon accueil.
Il s’agit donc de transférer le savoir des ouvriers de métier aux ingénieurs. Ce processus implique un détour par son intellectualisation et sa codification
formelle car ce savoir devra être ensuitediffusé, non par un long apprentissage auprès des anciens, mais par des instructions adressées par la
hiérarchie à des exécutants formés en quelques heures.
2. Second principe : la division horizontale des tâches.
C’est la parcellisation des tâchesentre opérateurs. A chaque opérateur est attribuée une tâche élémentaire, i.e. la plus simple possible, afin
d’automatiser et d’accélérer les gestes. Ladivision horizontale des tâches, menée le plus loin possible, aboutit au travail à la chaîne, innovation de
Ford, appliquée à partir de 1913 dans ses usines. Au début du siècle, cependant, les machines ne réalisent que des opérations simples: l’homme est
irremplaçable pour les manipulations complexes (changer la pièce par exemple). La chaîne contraint ainsi l’homme à adopter le rythme de lamachine.
G. FRIEDMANN, 1956, caractérise ainsi cette décomposition du processus de travail en tâches élémentaires. Selon lui, on a là un
mouvement général de déshumanisation, de déqualification et d’aliénation des ouvriers. Attention, cette position ne semble pas partagée par tous.
DEWERPE, 1998, , pp. 140: «Loin d’être du jour au lendemain réduite, la qualification ouvrière dans la régulation de lagrande usine fordienne subit des transformations qui à bien des égards, la réévalue (sic) sur l’échelle sociale. La période du début du siècle à la fin
des années 1950 est peut-être une apogée (sic) de la qualification, un âge d’or du professionnel, surtout dans les métaux. […] En réalité, le métallo
de 1910-1950 en sait moins que ses pères; la machine lui a ôté, on l’a vu, une bonne part desa capacité, non seulement à produire une pièce
complète, mais encore à gérer de façon autonome le . Ce qui compte, néanmoins, c’est la place supérieure qu’il occupe désormais
dans une échelle du travail et des savoir-faire reconstituée par la régulation fordienne et taylorienne.» Il faut donc nuancer la vision de Friedmann, en
différenciant les catégories d’ouvriers (très vraie pour les OS,beaucoup moins pour les OP, d’autant que parallèlement à la progression du nombre
d’OS s’affirme celui des OP et des ingénieurs) et les différentes étapes de l’introduction du taylorisme (moins déqualifiant dans les années vingt que
dans les années 50 parce qu’accompagnant un processus de promotion des ouvriers qualifiés). Par ailleurs, la notion même de déqualification est-elle
réellementpertinente alors que les savoirs eux-mêmes connaissent une mutation considérable? Elle relève de la même problématique que, dans le
champ scolaire, les assertions du type le niveau baisse (ce que montre d’ailleurs assez bien le texte encadré ci-après).
le travail en miettes,
le monde du travail en France
modus operandi
La dynamique de la relation entre division des tâches et évolution…