Le théâtre, texte et représentation – le barbier de séville

Le théâtre, texte et représentation

Le Barbier de Séville est-il une comédie des Lumières ?

Le Barbier de Séville, comédie en quatre actes écrite par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, s’inscrit dans le mouvement culturel et philosophique des Lumières.

Dans son œuvre, le dramaturge formule plusieurs satires sur la société du XVIIIème siècle et expose de nombreuses revendications etvaleurs propres au Siècle des Lumières.
– La critique la plus remarquable concerne la condition féminine au XVIIIème siècle dans l’acte II scène 4. Rosine, jeune fille apparaissant au début comme une ingénue, laisse éclater sa colère auprès de Bartholo, le barbon qui la retient prisonnière chez lui. Cette dernière prononce un discours exemplaire dans lequel elle dénonce l’oppression des femmespar les hommes en utilisant le champ lexical de l’enfermement («murez les fenêtres tout d’un coup. D’une prison à un cachot la différence est si peu de chose »). Elle combat les préjugés misogynes : « Mais monsieur, s’il suffit d’être homme pour nous plaire pourquoi me déplaisez-vous si fort » est un véritable camouflet infligé à Bartholo afin de démonter les répliques hautement misogynes dumédecin. Rosine conteste cette tradition présente dès l’Antiquité où la femme est considérée comme une éternelle mineure. Dans la Rome Antique, le mariage passait par la signature du « matrimonium », un contrat écrit qui consistait à transférer l’autorité du père à l’autorité du mari : la femme n’était plus sous la « manus » (main) du père mais sous celle de son époux qui héritait des biens de safemme. (Même constat dans la pièce : la scène 8 de l’acte III, c’est-à-dire la dernière, est indispensable car Bartholo doit absolument être présent pour signer le contrat et rendre le mariage entre les deux jeunes gens officiel : par sa signature, le tuteur cède sa pupille à son nouvel époux). La jeune femme revendique ainsi le droit de choisir, d’aimer celui qu’elle veut pour accéder au bonheur :apprendre à savourer le bonheur était un des objectifs majeurs des philosophes des Lumières.
– On relève une critique des médecins dans l’acte II scène 11 : le comte, déguisé en soldat « entre deux vins », dans sa chanson à boire, s’en prend à « Hippocrate et sa brigade » dont le savoir « n’emporte point le mal » mais « emporte au moins le patient ». De même, dans l’acte I scène 2, l’éthique ducorps médical est mise à mal : Figaro, ancien apothicaire du ministre dans les haras d’Andalousie n’avait pas hésité à vendre des remèdes destinés aux chevaux afin de guérir des humains. Cependant, les attaques contre les médecins sont menées courantes dans la comédie comme on peut le voir avec Le Malade imaginaire ou Le Médecin malgré lui de Molière.
– Avec le costume de Don Bazile, « chapeau noirrabattu, soutanelle et long manteau, sans fraise ni manchette », on comprend une satire implicite de la religion et de ses représentants : la soutanelle, normalement vêtue par les ecclésiastiques, est ici portée par un personnage vénal, qui n’hésite pas à trahir du moment qu’une bourse lui est remise. Ce personnage de faux-dévot rappelle le personnage de Tartuffe dans la comédie de Molière.
-Dans l’acte I scène 2, on constate une satire de la république des lettres émanant de Figaro et visant essentiellement la censure, l’édition et les critiques. Pour cela, il utilise des métaphores évocatrices : une première reposant sur image des loups (« la république des lettres était celle des loups ») et une seconde sur l’évocation d’insectes tels que les cousins, les moustiques et lesmaringoins (« tous les insectes, les moustiques, les cousins, les maringoins, les envieux, les feuillistes, les libraires, les censeurs »). Par ces métaphores, Figaro dénonce l’aspect carnassier et féroce du monde des lettres qui, tel une sangsue, « s’attache à la peau des malheureux gens de lettre ». De plus, il fait implicitement allusion à son adversaire, le censeur Marin, en utilisant le terme…