Les circulaires

Commentaire d’arrêt – CE, 18 décembre 2002, Mme Duvignères

« La circulaire est un pavillon qui peut recouvrir toutes sortes de marchandises : ordres du jour, conseils, recommandations, directives d’organisation et de fonctionnement, règles de droit ».
C’est au sujet du statut contentieux des circulaires que le Conseil d’Etat se prononce dans son arrêt Mme Duvignères rendu le 18 décembre2002, en soulignant que les circulaires peuvent avoir un effet pour les administrés.
Mme Duvignères avait demandé le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Celle-ci lui a été refusée au motif que ses ressources, parmi lesquelles se trouvait l’aide personnalisée au logement (APL), dépassaient le plafond conditionnant l’octroi de cette aide. Les conditions d’octroi de l’aide avaient été préciséesdans un décret de 1991 et réaffirmées dans une circulaire de 1997 du Ministre de la Justice. Le décret, comme la circulaire, excluaient la prise en compte de l’allocation de logement familiale (ALF) dans le calcul des ressources, mais intégraient en revanche l’APL dans le calcul. La demanderesse réclame l’abrogation du décret du 19 décembre 1991- portant l’application de la loi du 10 juillet 1990 -et de la circulaire du 26 mars 1997, qui précisent les modalités de l’octroi de l’aide juridictionnelle. Sa demande est rejetée par le Garde des Sceaux, et la demanderesse saisit le Conseil d’Etat par voie du recours pour excès de pouvoir en demandant l’annulation la décision du Garde des Sceaux dans laquelle ce dernier avait refusé d’abroger partiellement le décret et la circulaire. Le Conseild’Etat annule le refus d’abroger partiellement le décret à cause de la méconnaissance du principe de l’égalité ainsi que le refus d’abroger partiellement la circulaire qu’elle reprenait le décret jugé illégal.

La Haute juridiction administrative était dès lors placée devant deux soucis : premièrement elle devait statuer, au fond, sur la légalité du décret et deuxièmement sur la recevabilité durecours contre la circulaire.
Concernant l’annulation du refus d’abroger le décret : Pendant que pour l’exclusion de l’ALF il y avait une compétence liée du pouvoir réglementaire, car celle-ci figure au nombre des prestations familiales, il semble qu’aucune obligation semblable ne valait pour l’APL. Il en suit que la possibilité d’un traitement différent « résulte,dans son principe, de la loi » . Toutefois, le pouvoir réglementaire a méconnu le principe d’égalité en incluant « l’intégralité de l’APL au logement dans les ressources à prendre en compte pour apprécier (le) droit à l’aide juridictionnel ». Cette contestation est due au fait que bien qu’il existe des différences de nature, de montant accordé et en ce qui concerne le public visé ainsi que lesconditions tenant au logement entre les deux prestations, les convergences sont importantes du point de vue des bénéficiaires. Ainsi les deux prestations poursuivent des « finalités sociales similaires » en accordant une aide sous condition des ressources. De plus, l’attribution de l’une ou l’autre prestation « dépend essentiellement du régime de propriété du logement occupé ». Des familles vivantdans des conditions identiques par rapport aux revenus reçus et loyers à payer peuvent recevoir des prestations différentes à cause du fait que l’une habite dans un HLM et l’autre dans un parc privé ancien. Il en résulte que le refus d’abrogation partielle du décret est illégal à cause de la méconnaissance du principe de l’égalité.
Deuxièmement, le Conseil d’Etatdevait s’interroger sur la possibilité d’exercer un recours contre une circulaire interprétant un texte illégal sans présentant un caractère innovatoire. C’est à ce sujet que le Conseil d’Etat réalise une innovation importante en accueillant le recours pour excès de pouvoir.
Les circulaires sont prises par les chefs de service à l’égard de leur administration, pour encadrer l’activité des…