L’industrie en france

L’industrie française existe-t-elle encore ? Crise et mutations.

Conférence de Jacques SCHEIBLING 5 novembre 2003, IUFM de Rouen-Mont-saint-Aignan Notes de Nicolas PLAGNE * A cette question un peu provocatrice, on peut apporter d’emblée une réponse pour indiquer le sens de cet exposé : oui, il existe encore une industrie en France, mais elle a connu une crise profonde et de longue durée et desmutations importantes qui en font une industrie bien différente de celle qu’on connaissait il y a trente ans. C’est le sens du sous-titre de la conférence. • Peut-on encore parler d’industrie alors qu’il se produit une tertiarisation croissante et que la place du travail manuel décline fortement? • Peut-on encore parler d’industrie nationale alors que la mondialisation se traduit par des fusionset de grandes opérations transnationales de restructurations capitalistiques?. L’exemple récent de Thomson et du groupe chinois TCL vient à point illustrer ce phénomène, mais on pourrait citer aussi l’aventure américaine de JM Messier et du groupe Vivendi. • En même temps la France reste la 4ème puissance industrielle (derrière Etats-Unis, Japon et RFA), un rang auquel elle se maintient (talonnéepar l’Italie) depuis des décennies à travers ses adaptations et ses transformations rapides. Et la production n’a cessé d’augmenter, en valeur pendant « la crise » malgré les fluctuations. En somme, la question du titre peut s’entendre de trois manières et donner lieu à trois réflexions : que reste-t-il de l’industrie française des années 1975-80 ? L’industrie française actuelle est-elle encore «industrielle » au sens qu’on donnait alors à ce mot ? Et en quel sens peut-on la dire « française » dans un contexte mondialisé ?

I. Comparaison de la carte des années 60 et de la carte actuelle.
1// La carte de l’industrie des années 1960-70 est encore caractérisée par la ligne Le Havre-Perpignan séparant la France de l’est industrialisée et la France de l’ouest sousindustrialisée et rurale.Elle reflète les strates successives de l’industrialisation. Cette carte semble obéir parfaitement aux logiques de la « loi de Weber » : l’industrie est localisée en fonction des coûts d’approvisionnement et de la proximité du marché. 1- Les bassins industriels nés de la première phase de la révolution industrielle L’implantation en Lorraine et dans le Nord correspond à la localisation desressources en matières premières. C’est aussi le cas des bassins de la zone hercynienne du Massif central. Sidérurgie, métallurgie et chimie sont installées sur des matières premières et, par coagulation, forment des « bassins industriels ». Le textile vient souvent s’y ajouter. Les ports (Le Havre, Rouen, Bordeaux, Nantes, Marseille), selon les mêmes logiques, sont des bases d’approvisionnementalimentées par les (anciennes) colonies de l’Empire français. 2- La grande industrie Les industries de la seconde phase (automobile, construction mécanique, électromécanique) utilisant les nouvelles sources d’énergie (pétrole, électricité) donnent lieu à

des grandes usines localisées dans d’importants bassins d’emplois, les très grandes villes telles que Paris (Renault à Boulogne Billancourt) ou Lyonet subsidiairement Marseille. Peugeot à Sochaux-Montbéliard, Michelin à Clermont sont des localisations dues aux choix de capitaines d’industrie qui ont abouti à la constitution progressive de bassins de main d’œuvre au fur et à mesure de l’essor de l’industrie automobile. L’ampleur des concentrations ouvrières de ces sites est souvent oubliée : 90000 ouvriers à Billancourt. La croissance urbainedes grandes villes dans l’entre-deux-guerres est due à la grande industrie. Il existe aussi une localisation linéaire sur des axes entre les bassins d’approvisionnement et les grandes villes de la grande industrie. La vallée industrielle de l’Oise s’explique par la liaison Paris-Bassin du nord. De même, la Basse Seine. Enfin, les sources d’énergie, en particulier l’hydroélectricité, a permis…