Louise labé, la voie / voix des femmes
Louise Labé : la voix / voie des femmes
Bien que modeste en volume, l’œuvre de Louise Labé fût l’une des plus riches de son époque. Née vers l’année 1524 et fille d’un cordelier fortuné, elle obtint la meilleure éducation possible : elle apprit le grec, le latin, l’espagnol et l’italien, ainsi que l’équitation et les exercices militaires. Elle pratiquait également la musique, l’escrime et lachasse. Originaire de Lyon, elle fut dans cette ville au centre d’un des plus grands noyaux culturels d’Europe, très influencé par la culture italienne et l’une des capitales mondiales de l’imprimerie. Parfois surnommée La Belle Cordière, Louise Labé fut inspirée par les poètes italiens, notamment Pétrarque comme en témoigne l’écriture de ses 24 sonnets publiés en 1555 par le fameux imprimeurLyonnais Jean de la Tournes. Dans un monde littéraire et intellectuel fortement dominé par les plumes masculines, Louise Labé grâce à une éducation exceptionnelle dont on ne connait pas l’origine exacte, parvint à se faire une place dans le cercle des gens d’esprit de Lyon. Elle tint des salons littéraires qui furent fréquentés par les grands intellectuels de son temps comme Maurice de Scève, JacquesPeletier du Mans et des artistes de passage à Lyon comme Olivier de Magny à qui les sonnets sont adressés. Contemporaine de Pierre de Ronsard, Louise Labé écrivit aussi l’amour dans la tradition pétrarquiste mais donna à ses sonnets un ton unique, un regard féminin qui les rendent même aujourd’hui particulièrement intrigants et puissants. S’il est difficile de parler d’écriture féminine, il esttout de même légitime de nous interroger sur l’originalité de l’écriture de Louise Labé et de sa vision de l’amour qui se détache subtilement de celle de ses contemporains. De plus et puisque Louise Labé fut souvent décriée comme la première féministe de l’histoire –bien que cela semble anachronique d’employer ce terme- il semble nécessaire de se pencher sur l’existence d’une voix féminine dans sessonnets.
La poésie de Louise Labé émerge à une époque où Pétrarque est considéré comme le modèle à suivre. Nous étudierons alors dans une première partie dans quelle mesure cette influence se retrouve dans son style et pourquoi l’originalité de Labé tient du fait qu’elle ait adapté voire qu’elle se soit réapproprié le style du poète italien. La poésie du XVIème siècle se focalisant grandement surl’amour et le désir, nous verrons dans une deuxième partie la grande place qu’occupent le corps et le désir féminin dans ses sonnets. En outre nous analyserons les aspects de la représentation féminine selon Labé et en quoi elle diverge de celle qu’en faisaient ses contemporains masculins. Enfin, le dernier objet de notre étude concernera la manière dont on peut rapprocher la poésie, la créationartistique et les revendications pour les femmes que clamaient Labé.
Au début du XIVème siècle nait un poète dont le style va guider bon nombres de poètes français du XVIème siècle. Les poèmes de Pétrarque se concentrent sur les sentiments amoureux et y associent une passion enflammée pour une dame à l’absence et au refus de cette dernière. Pour Joseph Vianey, le pétrarquisme, se définit de lamanière suivante :
« Le pétrarquisme est l’art de traiter ingénieusement et avec esprit les choses du cœur, de composer des vers d’amours sans avoir d’émotion dans l’âme, de feindre la passion pour une maitresse imaginaire, et de chanter une fiction d’intrigue amoureuse, dont les phases et les étapes sont fixes et comme établies par une tradition immuable. » (Vianey, 268)
Dans son œuvreCanzionere signifiant « recueil de chansons » en italien, Pétrarque écrit un amour platonique à la belle Laure. Cette œuvre influença profondément le style des poètes du XVIème siècle qui de la même manière allaient composer des poèmes amoureux en mettant la femme sur un piédestal. Dans le prolongement de la fin’amor des troubadours des XIIIe et XIVe siècles, Pétrarque chante sur un mode courtois les…