Lueur d’éspoir
C’était le premier jour de mon quatrième stage dans une maison de retraite. J’ai été accueilli par une infirmière qui m’a dit de me changer rapidement et d’aller rejoindre une aide soignante (AS) dans une chambre qui se situe au premier étage.
Arrivé à l’étage, l’Aide soignante m’a mis rapidement au courant de ce qu’elle appelle « journée de douche » faisant partie du fonctionnement de lamaison de retraite ; puis nous avons aidé deux résidents plus ou moins autonomes à prendre leur douche jusqu’à 7h30. L’AS m’a ensuite parlé de Mr F le prochain résident que nous devions prendre en charge.
Mr F a été muté depuis une autre maison de retraite de la région à la demande de sa fille. En parlant de ce résident, elle me dit :
* « Il parait qu’il ne communique pas, qu’il est presqueaphasique et qu’il crie. »
L’AS ne connaît pas grand chose sur lui et a vaguement répondu à mes questions concernant les pathologies et la situation familiale de Mr F.
Puis elle m’a demandé si je pouvais prendre en charge Mr F ce matin en m’expliquant tous les soins à réaliser : petite toilette au lit – transfert lit-fauteuil – rasage au lavabo – douche. J’ai tout de suite accepté.
Nousavons frappé à la porte avant d’entrer, et l’AS qui me précédait, a allumé la lumière. J’ai mis la présence, et elle s’est mise debout devant le lit pour me présenter à Mr F qui lui, est allongé sur le lit :
* « Mr F, voici Haja, un élève aide soignant qui vient en stage ici pendant un mois. Il est là ce matin pour vous faire les soins. »
Je lui dis bonjour. Il me répond d’une voix très douce,à peine audible et pleine d’hésitation :
* « Bon…bon…jour ! ».
Son regard est fuyant, froid et son visage est sans expression. Les bras et les pieds croisés, il fixe le plafond. Puis, il décroise ses bras et ses pieds tout en maintenant le regard sur le plafond. Il n’arrête pas de bouger et touche tout ce qu’il peut prendre autour de lui pour les arranger : le drap, la chemise de nuit, latéléalarme, l’oreiller. L’AS lui demande alors s’il n’est pas content de nous voir, mais il ne répond pas. Il est resté un moment silencieux avant de me regarder avec un regard un peu perdu. Finalement, il nous a répondu en cherchant ses mots :
* « est ce qu’il faut…il faut… il faut, il faut que je vous… je vous, vous… paie aussi ? »
L’AS le reprend tout de suite pour le rassurer et luidire que nous sommes là pour lui et qu’ « il n’a rien à payer pour notre service ». Et il répond simplement d’une intonation grave et sèche :
* « ah bon !!! »
L’AS qui se trouve à ma droite a remarqué ma gêne et me demande si je suis encore en mesure de faire les soins. Je lui fais signe de la tête pour acquiescer. Pendant la toilette, Mr F ne parle pas, ne bouge pas, et ne me regarde pas.Soit il regarde le plafond, soit il tourne la tête vers sa gauche ou sa droite. Néanmoins, j’ai pu lui faire sa toilette en parlant de la météo, mais il est incapable de connaître le jour, le mois ou l’année. Et impossible de l’interroger sur son entourage que ce soit ses filles, ses petits enfants…
Quand j’ai consulté ses dossiers médicaux un peu plus tard dans la matinée, j’ai découvert que MrF a beaucoup d’antécédents dont l’hypertension artérielle ; le gonarthrose, coxarthrose et une hypertonie extrapyramidale qui l’empêche de se tenir debout. La démence à corps de Lewy profond, une affection neurodégénérative associé à un syndrome parkinsonien a provoqué la perte de son autonomie, son incontinence urinaire-fécale, et son trouble du langage. Et, à ce stade avancé de la maladie, ilest désorienté dans le temps et dans l’espace : il ne sait pas où il se trouve.
Trois jours plus tard, il n’y a pas de changement. Une sorte de « dialogue de sourd » s’est installé alors que j’ai essayé d’engager une conversation toute la matinée. Cependant, cette fois ci, je décide de m’appliquer encore d’avantage. J’ouvre la fenêtre de sa chambre pour lui montrer le temps qu’il fait dehors. Il…