L’unité du patrimoine

L’UNITE DU PATRIMOINE

« Le patrimoine est un sac que chaque homme porte, sa vie durant, sur son épaule et dans lequel viennent s’enfourner pêle-mêle, tous ses droits, ses créances et ses dettes » (H. Vialleton).
Le patrimoine évoque en général un ensemble de richesses et de biens accumulés par un individu, cet ensemble étant souvent appréhendé dans le cadre d’un héritage.
Pour Cicéron, ilétait assimilé à un bien de famille que l’on possédait par héritage. Alors même le droit positif n’en traite pas de façon directe, la notion juridique de patrimoine est incontournable. La théorie du patrimoine est composée de deux principes fondamentaux, l’unicité du patrimoine (indivisibilité) et l’intransmissibilité du patrimoine entre vifs.
Le travail de systématisation du patrimoine est àmettre à l’initiative du grand juriste allemand Zachariae, au XIXème siècle, et surtout de ses disciples Aubry et Rau. Basée sur une conception subjective de la notion de patrimoine, elle fut dégagée à partir du droit de gage général des créanciers disposé par les anciens articles 2092 et 2093 du Code civil (les articles 2284 et 2285 du Code civil depuis la réforme du droit des sûretés du 23 mars2006). La notion de patrimoine englobe « l’ensemble des biens d’une personne, envisagé comme formant une universalité de droit », le terme d’universalité désignant un ensemble d’éléments indissociables et « soumis à un système juridique global ». En effet, le patrimoine réunis à la fois des droits et des dettes. Il comporte un actif et un passif inséparables l’un de l’autre. Il existe un lienobligatoire à l’intérieur du patrimoine: toutes les dettes peuvent être recouvrées sur tous les actifs. Le patrimoine est donc considéré comme un tout. C’est ainsi qu’il est qualifié d’universalité, cette notion définie juridiquement comme un « ensemble d’éléments composés de droits et d’obligations et qui sont soumis à un système juridique global ».
Il existe deux types d’universalités. Il se distinguedes universalités de fait qui correspondent à des ensembles de choses ou de droits sans passif correspondant. Les universalités de fait sont composées par la volonté de l’homme qui décide de réunir des biens pour les soumettre à un régime global. Dans la pratique, c’est le cas où un commerçant décide de réunir tous les biens susceptibles d’attirer sa clientèle dans une notion globale appelée« fonds de commerce » qui pourra être cédé par une opération unique. Les universalités juridiques sont établies par la loi qui les considère dans leur globalité. Le droit français ne connaît qu’une seule universalité juridique : le patrimoine. Grâce à cette qualification d’universalité, quelle que soit la nature de la dette contractée, qu’elle soit professionnelle ou personnelle, elle pourra êtrerecouverte sur n’importe quel élément d’actif. Egalement, le créancier pourra recouvrir sa dette sur des éléments d’actifs entrés dans le patrimoine postérieurement à sa créance.
La théorie classique du patrimoine, ainsi définie par Aubry et Rau, s’appuie sur 3 axes majeurs : chaque personne ne peut avoir qu’un patrimoine, seules les personnes peuvent avoir un patrimoine, toute personne a nécessairementun patrimoine. Le patrimoine est indissociablement lié à la personne. C’est ainsi que ce principe interdit à toute personne de diviser son patrimoine en plusieurs patrimoines autonomes.
Or, aujourd’hui, ce principe d’unité du patrimoine est remis en cause par l’introduction de diverses lois qui permettent la division du patrimoine.
Ce principe est-il remis en cause du fait de l’évolution de lasociété ?
L’unité du patrimoine créée par Aubry et Rau à partir de la théorie initiale du patrimoine de Zachariae, ne sort pas indemne de sa confrontation au droit positif (I). Ce dernier offre le tableau de nombreuses atteintes, qui cependant ne remettent en cause l’effectivité de l’unité du patrimoine que de façon partielle (II).

I/ L’universalité juridique de la théorie du patrimoine…