Management du point de vente

Innovation et marchés de la grande distribution
Jean-Baptiste Berry*

Depuis une dizaine d’années, la concurrence que se livrent les hypermarchés comme les grandes enseignes du commerce spécialisé pousse les entreprises à des changements leur permettant de réduire les coûts ou de mieux servir les clients, le but étant d’acquérir un avantage comparatif par rapport aux autres entreprises dusecteur. Ce sont ces changements que l’Insee a cherché à mesurer à l’aide de l’enquête Innovation générale, ainsi que leurs effets sur la croissance des entreprises. L’innovation prend des formes très variées dans les secteurs du commerce en forte évolution que sont les hypermarchés, la grande distribution spécialisée et les centrales d’achats. L’effet des innovations sur les performances des firmesest également varié suivant les secteurs. Ces innovations apportent un gain de croissance individuel significatif pour le grand commerce spécialisé, en phase d’expansion. Inversement, les hypermarchés, dans une phase de maturité, ne profitent pas significativement des innovations réalisées, et doivent leur croissance plus à des effets de taille et de localisation qu’à des innovations. Constituéedes hypermarchés et des entreprises dites du grand commerce spécialisé1, la grande distribution a été retenue dans cette étude pour son caractère innovant, supposé nécessaire pour résister à un marché fortement concurrentiel. Il a fallu près de quarante ans 2 pour que l’hypermarché parvienne au seuil de sa phase de maturité en France (figure 1) ; les grandes surfaces spécialisées demeurent en phasede croissance, beaucoup d’entre elles étant développées par des groupes internationaux (comme par exemple Ikea, Kingsfisher/Darty/

1. Parts de marché de l’hypermarché depuis 1965

en % 40
Marché alimentaire

30

Parts de marché

20

Lecture : les parts de marchés alimentaires et non alimentaires des hypermarchés sont en croissance depuis la création de ce concept de vente à la findes années soixante, jusqu’à une stabilisation, respectivement en 1998 et 1995. On observe un très léger retrait de ces parts de marché après leur stabilisation. Source : Insee, comptes du commerce.

10
Marché non alimentaire

0 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

*Jean-Baptiste Berry, à la rédaction de cet article, faisait partie de la division Commerce, de l’Insee. Il a travaillésur le thème de l’innovation, en collaboration avec Marc Dupuis, dans le cadre d’une étude suggérée par la commission des comptes commerciaux de la Nation (à paraître). 1. Cf. fiche 2.26, Le grand commerce spécialisé intégré. 2. On peut distinguer différents moments de la vie d’un concept de vente : la phase de croissance, pendant laquelle ses parts de marché augmentent ; une phase de maturité,avec une stagnation de ses parts de marché; puis éventuellement une troisième phase de déclin.

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Castorama, Toys’R’Us, …) ; les nouvelles formules de commerce électronique sont encore pour une part dans une phase de lancement, avec un décollage marqué pour certaines activités 3 comme celles des agences de voyages . Sur l’ensemble desproduits non alimentaires, la part des hypermarchés recule globalement depuis une dizaine d’années, de 1993 à 2003, au profit des moyennes et grandes surfaces spécialisées. Néanmoins, sur la même période, les entreprises d’hypermarchés ont accru leurs parts sur les marchés des produits d’entretien ménager (77 % de parts de marché en 2003), de 4 parfumerie et produits d’hygiène et de la vente decarburants (56 % pour ces deux derniers). La course au développement du grand commerce spécialisé s’est réalisée avec l’hypermarché qui a ouvert la voie en s’implantant en périphérie, urbanisant l’accès à des zones étendues périurbaines. La concurrence entre les grands commerces spécialisés et les entreprises d’hypermarchés s’est intensifiée depuis le début des années 1990. En 2003, le grand commerce…