Motivation des bénévoles
Les motivations des bénévoles. Quel pouvoir explicatif des modèles économiques ?
Lionel PROUTEAU et François-Charles WOLFF (LEN-CEBS, Université de Nantes)
Résumé Cette contribution suggère que les difficultés rencontrées dans les tests des modèles économiques du bénévolat procèdent de la coexistence d’une diversité des raisons d’agir au sein de la population des bénévoles, ainsi que ducaractère souvent pluridimensionnel des motivations qui animent un même engagement. 1. INTRODUCTION La contribution du bénévolat au bien-être collectif est de plus en plus reconnue, ne serait-ce que par l’importance qu’il représente en tant que ressource productive pour les associations dont le rôle est régulièrement souligné dans l’animation des solidarités de proximité. Cette situation a conduit leséconomistes à accorder à cet objet de recherche une attention croissante qui les autorise désormais à confronter leurs approches avec celles, plus précoces, des sociologues ou des psychologues. Ce faisant, ils ont l’opportunité d’apporter leur contribution à la compréhension de certains aspects de ce comportement qui demeurent encore peu connus. L’un d’entre eux est relatif à ses motivations. Aucours des deux dernières décennies, guidés par l’hypothèse de rationalité des agents, les économistes ont proposé différents modèles théoriques pour expliquer le choix de s’adonner au bénévolat. L’objet de cette contribution est précisément d’étudier, à la lumière de ces modèles, les comportements bénévoles tels qu’ils se dégagent de l’enquête inédite que l’INSEE a menée en 2002 sur la vieassociative. La nature des modèles et leurs limites font tout d’abord l’objet d’un rappel, de même que sont évoquées les difficultés que rencontre leur confrontation avec les données empiriques. Puis nous présentons les profils des bénévoles tels qu’ils se dégagent de l’enquête de l’INSEE, et mettons en évidence les facteurs qui paraissent favoriser la participation à ces activités. Finalement, les raisonsmises en avant par les bénévoles eux-mêmes pour expliquer leur engagement sont analysées. Cet exercice permet de souligner à la fois l’intérêt des modèles économiques du bénévolat, mais aussi les limites des tests dont ils font l’objet sur des données agrégées.
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Les motivations des bénévoles. Quel pouvoir explicatif des modèles économiques ?
2. LES MODÈLES ÉCONOMIQUES DU BÉNÉVOLAT ÀL’ÉPREUVE DES FAITS Plusieurs modèles se dégagent de la littérature économique sur le bénévolat, mais les épreuves de validité auxquelles ils sont soumis s’avèrent assez souvent décevantes. 2.1. Le contenu des modèles Les modèles économiques du comportement bénévole se distinguent entre eux par les motifs qui sont prêtés aux agents (PROUTEAU, 2002). Ainsi, le modèle de « production de biens collectifs» suppose que le bénévole s’engage uniquement dans la perspective de contribuer à la réalisation de services associatifs qui présentent certains attributs de biens collectifs. Sa participation n’a d’intérêt à ses yeux qu’en tant que facteur de production. Le bénévolat altruiste est une variante de ce modèle, dans laquelle les services sont exclusivement tournés vers autrui. Mais il est égalementenvisageable que le bénévole (ou sa famille) compte parmi les bénéficiaires de ces prestations réalisées grâce à son travail non rémunéré. Il en sera ainsi, entre autres exemples, dans le cas d’une crèche parentale qui sollicite la contribution des adultes pour garder plusieurs enfants, dont les leurs. Dans le modèle de « consommation de biens privatifs » c’est l’engagement en lui-même qui est lemobile du don de temps que réalise l’individu, indépendamment de l’usage qu’en fait l’association. La gratification recherchée peut procéder du prestige, du pouvoir éventuellement exercé dans le cas d’un bénévole qui assume des responsabilités, mais une place particulière a été accordée dans la littérature économique au « plaisir de donner » (warm glow) popularisé par Andreoni (1990). Quant…