Peut-on se tromper en disant qu’une chose est belle?

L’art est une création, une technique, un savoir faire et est à la recherche du beau. Il est le fait de l’artisan celui qui maîtrise un art, ou d’un artiste ayant un talent, ou un génie particulier, qui le rend apte à créer cette beauté. Or, lorsqu’une chose belle est admirée, elle est souvent considérée comme œuvre d’art, produit du travail de l’artiste. Est-il alors possible d’être induit enerreur quant à (et par) la beauté d’un objet observé ?
Le beau et la définition même d’œuvre d’art semblent reposer sur une considération subjective. Mais devant une œuvre d’art, peut-on dire : « à chacun son goût » ? De plus, une œuvre d’art semble comporter une beauté universelle, reconnue par chacun. Qu’y a-t-il de fondamentalement beau dans l’art ? Cependant, beauté et morale ne semblent pastoujours associables et associées. Ainsi l’artiste peut-il user des apparences pour égarer l’homme ?

I- La beauté d’une œuvre d’art n’est pas perçue par tous de façon identique. Ainsi peut-on dire à chacun ses goûts face à une création artistique ?
1-D’après l’opinion commune la beauté repose sur une perception subjective. Ainsi, la divergence de goût face à une « chose » observée estexplicable. Cependant, il s’agit en fait, d’après Kant, d’une beauté libre (pulchritudo vaga) issue du jugement de l’agréable, reposant sur nos sens: « Le goût est la faculté de juger d’un objet ou d’une représentation par une satisfaction dégagée de tout intérêt. On appelle beau l’objet d’une semblable satisfaction. ». Ainsi, l’homme s’égare lorsqu’il veut convaincre autrui de son ressentiface à l’objet observé : « Pour ce qui est de l’agréable chacun se résigne à ce que son jugement, fondé sur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu’un objet lui plait, soit restreint à sa seule personne. […] L’un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morne et terne; l’un préfère le son des instruments à vent, l’autre celui des instruments à cordes. Discuter à cepropos pour accuser d’erreur le jugement d’autrui, qui diffère du notre comme s’il s’opposait à lui logiquement, ce serait folie; au point de vue de l’agréable, il faut admettre le principe: à chacun son goût (il s’agit du goût des sens). ». Ainsi, l’homme n’est pas trompé lorsqu’il trouve une œuvre belle, il s’égare lorsqu’il veut imposer son vécu, convaincre ou manipuler par l’intermédiaire del’art. 2- De plus peut-on apprendre à juger de la beauté ? Etre connaisseur permet-il d’apprécier une œuvre d’art, et justifie t-il son goût par rapport à celui d’autrui ? Lorsque l’homme affirme : « c’est beau ! », qu’il s’agisse d’une œuvre d’art ou d’un paysage, il donne son approbation mais fournit à autruiles règles qui lui permet de donner à son tour son approbation. Autrement dit, l’homme ne juge pas un état de chose ou une qualité, mais juge des circonstances dans lesquelles il est légitime de dire qu’une chose est belle. Apprendre à juger du beau, ce n’est rien d’autre que comprendre dans quelle situation il est légitime de dire : « c’est beau ». C’est aussi apprendre les règles qui président àl’utilisation du terme « beau ». Seulement les œuvres d’art admirées par des hommes dépourvu de culture, de cet apprentissage ne leur apportent aucun plaisir pour la seule raison qu’ils n’ont pas appris à les apprécier. Certes, les traités techniques et les commentaires ne sont pas une fin en soi, mais ils sont le tremplin indispensable sans lequel l’amateur ne sera jamais dans l’état propice àl’appréciation dune œuvre d’art. Gouter, c’est toujours juger; et si je veux juger Molière, Mozart ou Mondrian, il faut d’abord que j’apprenne à comprendre leur langage et leur univers. Ainsi sont déterminées les limites des sentiments. Cependant, il y a quelque chose de profondément subjectif dans le rapport à l’art. Avoir un rapport à l’art, c’est être capable de ressentir quelque chose devant…