Pliva

Historique Stratégique
Gerry Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington, Frédéric Fréry

La capacité stratégique

Etude de cas : Pliva au pied du mur
Pliva, un laboratoire pharmaceutique croate fondé en 1921 et traditionnellement cantonné au rôle de distributeur régional, manifesta des ambitions globales à partir de la fin des années 1990. Principalement implanté en Europe de l’Est et enRussie, Pliva ouvrit un bureau à Londres en 2001. De même, alors que son activité consistait surtout à vendre des molécules tombées dans le domaine public après expiration de leur brevet, Pliva s’était dotée d’un département de recherche et développement qui avait découvert dans les années 1980 un antibiotique, l’azithromicine. Commercialisé par Pliva sur les marchés de l’Est sous le nom deSumamed, ce produit avait été cédé en licence au géant pharmaceutique Pfizer qui le distribuait en Europe de l’Ouest sous le nom de Zithromax. En 2001, Pliva était en attente d’autorisations de mise sur le marché (AMM) pour toute une série de nouvelles molécules. Pour pouvoir être commercialisés, tous les nouveaux médicaments devaient recevoir cet agrément officiel des autorités de santé, à l’issue de 5à 8 ans d’essais cliniques destinés à identifier d’éventuels effets secondaires. Historiquement société d’Etat, Pliva avait été privatisée après la guerre en ex-Yougoslavie puis introduite aux Bourses de Zagreb et de Londres. Habituée à des conditions environnementales turbulentes, l’entreprise s’était donnée pour objectif une croissance annuelle à deux chiffres sur la période 2001-2007. Le futurétait en effet particulièrement incertain. Le brevet de l’azithromicine, qui avait permis à Pliva d’accumuler de confortables ressources financières, arrivait à expiration en 2007, ce qui impliquait le développement de nouveaux leviers de croissance. Pendant la durée de vie d’un brevet (de 20 à 25 ans selon les pays), les laboratoires pharmaceutiques bénéficiaient d’une exclusivité qui constituaitune barrière à l’entrée légale particulièrement protectrice. Afin d’anticiper la fin de cette période de monopole, deux approches pouvaient s’avérer porteuses à moyen terme pour Pliva. Tout d’abord, l’entreprise avait racheté deux de ses concurrents d’Europe de l’Est : Polfa Krakow en Pologne et Lachema en République Tchèque. Deuxièmement, Pliva s’était dotée des technologies nécessaires à laproduction des versions génériques de cinq produits biotechnologiques. Les produits dits « génériques » étaient des molécules dont le brevet était arrivé à expiration et qui pouvaient donc être produites par n’importe quelle entreprise qui s’en donnait la capacité technologique. Sur ce marché, le prix était généralement le principal facteur clef de succès. Cependant, le cas des cinq produits choisispar Pliva était particulier. Il s’agissait de substances particulièrement coûteuses à fabriquer, que les autorités de santé n’avaient pas souhaité privilégier tout au long de la durée de vie de leur brevet. Étant donné que ces brevets arrivaient à expiration, ce qui laissait supposer l’apparition d’une concurrence sur les prix, les instances gouvernementales qui évaluaient les priorités de soins etfixaient le montant des remboursements, comme l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en France ou le National Center for Clinical Excellence (NICE) au Royaume-Uni, envisageaient désormais de recourir plus largement à ces produits. En termes stratégiques, la production de ces cinq substances constituait donc une opportunité de globalisation considérable. Ils’agissait pourtant d’une situation inédite, puisque dans l’industrie pharmaceutique les marchés arrivaient en général à saturation avant l’expiration des brevets. En 2001, Pliva était donc sur le point d’aborder une nouvelle phase de son développement, qui constituait à la fois une formidable opportunité et un considérable défi. D’un côté, le développement de ces cinq produits biotechnologiques…