Poème

Sensation.

1 Recueil : Poésies.

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux commeavec une femme.

Arthur Rimbaud.

Dernier espoir.

1 Recueil : Le livre posthume.

Il est un arbre au cimetière
Poussant en pleine liberté,
Non planté par un deuil dicté, –
Qui flotte au long d’une humble pierre.

Sur cet arbre, été comme hiver,
Un oiseau vient qui chante clair
Sa chanson tristement fidèle.
Cet arbre et cet oiseau c’est nous :

Toi le souvenir, moi l’absence
Que letemps – qui passe – recense…
Ah, vivre encore à tes genoux !

Ah, vivre encor ! Mais quoi, ma belle,
Le néant est mon froid vainqueur…
Du moins, dis, je vis dans ton coeur ?

Paul Verlaine
(1844-1896)
Arthur Rimbaud a écrit tous ses poèmes entre 16 et 21 ans. Pour lui, la poésie est un moyen d’exprimer sa révolte. Rimbaud considérait que le vrai poète est un voyant. La créationpoétique a été une véritable aventure. Après les poèmes en vers, il compose Les Illuminations (mot anglais qui signifie enluminure mais conserve le sens du mot français : axé sur une autre réalité), qui est un recueil de poèmes en prose.
Au niveau chronologique, « l’Aube » représente le début, le commencement, le moment de la journée donc le sens temporel et dans un sens plus large le début dela vie. « Aube » vient du mot latin « Alba » qui signifie blanche, et qui rappelle l’innocence, la pureté et l’enfance.

Rimbaud, dans le poème Aube, reprend le désir de Baudelaire d’étendre les pouvoirs de la poésie à l’exploration de l’inconnu et rêve comme lui d’une langue poétique nouvelle. Rimbaud bouleverse le genre de la poésie en se faisant voyant et en libérant le langage de lacontrainte du sens précis. Le mot « Aube » tiré des Illuminations évoque sous la forme d’un rêve cette quête de l’absolu, au cours de laquelle le poète croit savoir se rendre maître du monde grâce à une poursuite systématique et acharnée qui se solde par une désillusion. Cette aube d’été que le poète veut posséder avec un peu trop de violence, figure la poésie nouvelle qui permettrait d’exprimerl’indicible, objectif auquel il s’est jusqu’à présent consacré.
Si le poème s’achève sur un constat d’échec, Rimbaud affirme pourtant que dans cette entreprise, il est allé plus loin que les autres, mais finalement, incapable d’admettre les limites qu’il rencontre, il finira par renoncer à la quête (midi, métaphore de l’âge adulte, sera l’heure du départ et du silence). Une question reste ensuspens : est-ce un conte ou un récit de rêve ?

Sonnet : Se voir le plus possible…

Se voir le plus possible et s’aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;

Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,Et dans cette clarté respirer librement –
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.

Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
Cest vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.

Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsiqu’on aime.
Alfred de MUSSET (1810-1857)

Les femmes sont sur la terre.
Recueil : Les contemplations.

Les femmes sont sur la terre
Pour tout idéaliser ;
L’univers est un mystère
Que commente leur baiser.

C’est l’amour qui, pour ceinture,
A l’onde et le firmament,
Et dont toute la nature,
N’est, au fond, que l’ornement.

Tout ce qui brille, offre à l’âme
Son parfum ou sa…