Prague, ville cosmopolite ?

Prague et le cosmopolitisme au XVIIIème et XIXème siècles.

A bien des égards, attribuer le caractère de « cosmopolite » à la ville de Prague, capitale de la Bohème, n’est pas sans rappeler l’histoire dure de la nation tchèque. D’un certain point de vue, le cosmopolitisme, défini par Kwayme Anthnoy Appiah comme le libre choix de son lieu d’habitation et l’amour des peuples avec lesquels onvit aussi différents soietn ils, , évoque le destin du pays et la domination étrangère. Certes, la région a toujours été empreinte d’une dimension multiculturelle : si les tchèques sont des descendants des conquérants slaves venus dès le VIème siècle, ils ont fait appel vers le XIIIème siècle à des populations germanophones pour combler le manque de paysans mais il y a aussi les juifs qui,chassés progressivement d’Europe de l’Ouest, s’y installent. Néanmoins, en 1620, la défaite de la Montagne Blanche sonne avec « tombeau des Tchèques », comme le rappelle une chanson populaire1 . S’il s’agit surtout d’une défaite des protestants contre les catholiques, les Tchèques l’assimilent rapidement à une puissante défaite nationale. Cette bataille signe donc la présence des Habsbourg et lasoumission à l’empire d’Autriche pour plus de trois siècles. Le statut de ville d’empire (Gesamstaat) donne à Prague une dimension cosmopolite, compte tenu des nombreuses circulations que cette organisation politique permet. Mais parmi le bouillonement artistique et intellectuel engendré par la concentration des élites mobiles à Prague, les Tchèques ont l’impression de ne pouvoir exprimer leur propreculture au milieu des nombreuses influences. Depuis le XVIIème siècle jusque la fin du XIXème, on voit que le caractère cosmopolite de la ville diminue au fur et à mesure que le nationalisme tchèque grandit.
Ainsi, le cosmopolitisme s’avère contradictoire avec l’émergence de la nation tchèque. Comment la ville de Prague reflète t-elle son histoire politique / ce renversement de forces ?
AuXVIème et XVIIIème siècle, la ville est le miroir culturel de l’Europe, les artistes viennent s’y établir et les mécènes l’habillent. Le XIXème siècle marqué par l’émergence du « Réveil National » donne à la ville l’aspect d’une ségrégation ou les poulations ne se mélangent plus.
Le XVIIème et XVIIIème siècles sont perçus comme deux siècles de « germanisation » où la multicultularité est synonymepour l’historien Tchèque Joseph Jungmann de « corruption fatale ». Cependant, c’est durant cette période que la ville de Prague vit le plus en harmonie avec ses voisins de Haute Autriche, de Bavière, de Pologne, de Haute Hongrie. Les juifs vivent en symbiose avec le pouvoir qui les protège car Rodolphe II est fasciné par l’érudition juive. C’est aussi le temps où Prague se pare du plus gros dudécor qu’on lui connaît aujourd’hui. La ville est le cœur de nombreuses circulations artistiques et intellectuelles et devient visuellement, architecturalement, le miroir de ce cosmopolitisme et d’une certaine Europe.
La période 1620 – 1740 est nommée en tchèque « Temno », c’est – à – dire « ténèbres », c’est pourtant un moment de civilisation intense, même si on voit que le cosmopolitisme s’érigetoujours en contre-pied du désir d’indépendance tchèque. En effet, la Contre Réforme lance le mouvement de l’art Baroque pour donner à la ville un aspect plus catholique. Elle devient un véritable centre cosmopolite puisque des artistes de toutes nationalités, surtout italiens et germano-autrichiens, viennent s’y installer pour la décorer. Beaucoup d’architectes étrangers y travaillent tels queLuragho, Spizza, Pierronni. Ceux-là importent la mode de l’art transalpin. En 1680, l’architecte dijonais Jean Baptiste Mathey construit le palais archiépiscopal. C’est à ce moment-là que la ville se couvre de palais, financés par le mécénat d’une noblesse enrichie pendant la Guerre de Trente Ans et qui s’inspire du modèle habsbourgeois. Ce moment d’apothéose artistique place Prague au cœur…