Rousseau – lettres écrites de la montagne (8ème lettre)

OBJET DU TEXTE : que veut montrer Rousseau ?
Contre l’opinion commune qui définit la liberté comme l’absence de contraintes extérieures (i.e. comme l’indépendance) Rousseau montre qu’il ne peut y avoir de liberté que si celle-ci est garantie par des lois auxquelles tous doivent obéir.
STRUCTURE DU TEXTE et EXPLICATIONS
I- Distinction voir opposition entre indépendance et liberté.
Lignes 1-2 :Point de départ : Rousseau annonce qu’il va corriger une opinion commune qui consiste à identifier indépendance et liberté. Non seulement ces deux termes ont des sens distincts mais plus encore, indépendance et liberté, « ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement ». Rousseau montre donc qu’il veut marquer une opposition entre indépendance et liberté.
Lignes 3-4 :Rousseau part donc du sens, de la définition commune de l’indépendance pour montrer que ce n’est pas la liberté. Etre indépendant, c’est faire ce qui nous plaît : c’est le pouvoir d’agir selon son bon plaisir. Or, « on fait souvent ce qui déplaît aux autres » on est engagé dans un rapport de forces.
Exemple : Je peux écouter fortement de la musique pendant la surveillance du bac, à n’importequelle heure du jour et de la nuit, puisque rien ne m’en empêche.
Ainsi, un état libre n’est pas une conjonction d’individus indépendants, car ceux-ci s’opposeraient à la liberté de leur prochain, et réciproquement, celle des autres serait par définition négation de la leur. Or Rousseau ajoute un peu plus loin « La vraie liberté n’est jamais destructrice d’elle-même » (=elle ne se détruit paselle-même)
Lignes 4-7 : Que produit l’indépendance ? Quelles sont ses conséquences ?
Dans cette partie Rousseau tire les conclusions de ce qu’il vient de dire. L’indépendance ne produit que le despotisme et son corolaire, l’esclavage. Pourquoi ?
En faisant ce qui me plaît, « ma volonté », je ne « règle » pas sur la volonté d’autrui : je me place dans une position du « supérieur », du « maître » et jeme donne un pouvoir arbitraire (puisque dépend de ma seule volonté, puisque fondé sur mon bon vouloir) et immédiatement absolu = définition de l’Etat despotique : Il y a une autorité absolue. Mais cela s’accompagne immédiatement d’une « soumission de la volonté d’autrui à la notre » (Ligne 6). Cela signifie donc une obéissance de l’autre sans bornes (sans contraintes) et définit l’Etatd’esclavage.
L’indépendance, en produisant le despotisme et l’esclavage, produit aussi la disparition de la liberté puisqu’un homme peut, sans être inquiété, imposer sa volonté à celle d’autrui. Et même « quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir ». Qu’est-ce-que cela signifie ?
Rousseau écrit dans une note « Tous veulent commander, à ce prix, nul ne craint d’obéir » Dans un régimedespotique, on a d’autant plus de pouvoir qu’on se montre servile et soumis à l’égard de ses supérieurs. Nous voulons tous exercer notre pouvoir (=puissance personnelle, faculté d’agir sur l’autre). A trop vouloir imposer sa volonté à l’autre j’en dépends.
Prolongement du texte :
Rousseau, ici, vise implicitement ce qu’il a fait dans le contrat social : montrer que l’Etat despotique et l’Etatd’esclavage sont un non sens : il n’y a en réalité aucun contrat. Or puisque l’indépendance produit l’esclavage, cela laisse entrevoir qu’il n’y aura une liberté que dans le cadre de l’Etat, produit par le contrat social qui donnera naissance à des lois ; c’est ce qu’il démontrera dans la 2nde partie de son texte.
Pourquoi dans l’Etat d’esclavage ou despotique n’y a-t-il pas de contrat ?
Rappel : Ce quiest au cœur du contrat social c’est la volonté générale, dans un Etat d’esclavage ou despotique elle est absente.
La volonté générale est définie (1ère version du contrat social) comme étant « dans chaque individu un acte pur de l’entendement qui raisonne dans le silence des passions sur ce que l’homme peut exiger de son semblable, et sur ce que son semblable est en droit d’exiger de lui…