Science
Jacques de Larosière a dirigé le FMI, la Banque de France et la BERD. Il est aujourd’hui conseiller auprès du président de la banque BNP-Paribas. C’est fort de ce parcours que cet économiste développe une vision très précise de la crise financière 2007-2008.
ANALYSE
« L’économie mondiale est de plus en plus intégrée financièrement et les mouvements de capitaux entre pays émergents et pays« avancés » sont devenus massifs.
Quelles sont les conséquences à moyen terme de cette intégration ? Dans quelle mesure la puissance financière mondiale n’est-elle pas déjà passée du monde « industrialisé » à celui des pays émergents en excédent de balance des paiements ?
1. L’accumulation par les pays émergents depuis quelques années d’excédents spectaculaires de balance des paiements courants acontribué à changer profondément la répartition des réserves extérieures dans le monde.
2. Les conséquences de ces changements sur le « pouvoir financier » mondial sont, cependant, à évaluer de façon nuancée.
3. Le système monétaire international est loin de s’être adapté à la nouvelle donne financière mondiale.
« L’accumulation d’excédents de balance des paiements courants par les paysémergents est spectaculaire. Ces chiffres sont d’une portée économique considérable : le déficit des Etats-Unis a atteint 6,2 % du PIB de ce pays en 2006 (5,7 % estimés pour 2007). Quant à l’excédent de la Chine, il a représenté 9,4 % de son PIB en 2006 (11,7 % estimés pour 2007).
Ce sont là des ordres de grandeur qui représentent des records historiques et reflètent, à la vérité, une situationparadoxale. En effet, traditionnellement, c’étaient les pays industrialisés qui connaissaient des excédents de balance des paiements et exportaient leurs surplus vers les pays en développement. Aujourd’hui, nous assistons à un phénomène inverse : ce sont les pays dits « émergents » qui sont devenus les créanciers, sinon du monde industrialisé dans son ensemble (en effet, l’Union Européenne est en équilibreet le Japon en excédent), mais des Etats-Unis dont le déficit courant est entièrement compensé par les apports de capitaux des pays émergents.
« Les pays émergents disposent des trois quarts des réserves mondiales. Les augmentations intervenues depuis une dizaine d’années dans les réserves extérieures de ces pays (grâce, en grande partie, à la succession de leurs excédents courants) sontsaisissantes. Du fait de ces changements, le montant total des réserves détenues par les pays émergents dépasse 3 trillions $ (contre moins d’un trillion en 2000) et représente 72 % des réserves mondiales (contre 59 % en 2000).
Ainsi, la Chine détient aujourd’hui plus de 1,4 trillion $ avec une augmentation mensuelle de l’ordre de 40 milliards actuellement. Elle est devenue, de ce fait, le premierinvestisseur mondial.
« C’est là un changement profond dans l’équilibre financier international. Les Etats-Unis sont maintenant un débiteur net face à des pays comme la Chine qui jouissent d’une position fortement créditrice.
« Ces changements avantagent, à maints égards, les économies émergentes.
elle assure un volant de liquidités et une sécurité qui avaient fait défaut à l’Asie durant la crisefinancière de 1997 ;
en permettant les remboursements d’emprunts, elle desserre la contrainte de l’endettement extérieur qui, jusqu’à ces dernières années, limitait les marges de manœuvre de ces pays (voire les soumettait à la « conditionnalité » du Fonds Monétaire International ) ;
elle contribue à stabiliser les marchés financiers de ces pays dont les taux de change étaient jusque-là trèssensibles à la volatilité des mouvements de capitaux, volatilité elle-même exacerbée par la faiblesse des réserves extérieures de nombre de ces pays ;
elle explique en partie, -alors que l’économie des pays industrialisés et notamment celle des Etats-Unis commence à ralentir- le maintien d’une croissance forte dans le monde émergent, croissance sans doute moins dépendante aujourd’hui des…