Un barrage contre le pacifique
Un Barrage Contre le Pacifique de Marguerite Duras
Marguerite Duras a débuté l’écriture de son oeuvre Un Barrage contre le Pacifique en 1947, soit un an après l’entrée en guerre de l’Indochine. Publié en 1950, ce roman fait un portrait réaliste de l’Indochine française des années vingt, au temps des colonies.
D’inspiration autobiographique, Un barrage contre le Pacifique relate l’histoired’une veuve ayant fait l’acquisition d’une concession devenue incultivable suite à la montée fréquente des eaux du Pacifique. Avec l’aide de ses deux enfants, Suzanne et Joseph, elle va mener une lutte acharnée contre cet élément pour tenter de sauvegarder ce patrimoine. Tous ses efforts se solderont par des échecs, entraînant le désespoir puis la mort de la mère.
Désireux de vivre et deconnaître le monde et l’amour, Suzanne et Joseph se créent, grâce à l’air musical de « Ramona », un petit monde à part, un monde parfait, leur permettant ainsi de rester « en vie ».
Dans l’extrait étudié, le cinéma, par son aspect magique permet à Suzanne de rêver face à un film d’amour. Le cinéma est vu comme un lieu de refuge, de sérénité et d’égalité. Marguerite Duras, sans une pointe d’ironie, fait ladescription classique et stéréotypée de l’histoire d’amour qui est projetée.
Mal à l’aise face à ce monde inconnu qu’est la ville, Suzanne se réfugie dans une salle de cinéma. Ce lieu lui sert de terre d’asile. Elle pourra enfin s’échapper du monde réel et se sentir « désormais invisible, invincible ».
Le cinéma est une véritable « machine à rêves » et permet de combler les attentes de cetteadolescente à l’existence misérable, n’ayant qu’une seule idée en tête, partir très loin et trouver l’amour.
Quand la lumière s’éteint, elle se sent « invisible et invincible », Marguerite Duras a recours à une paronomase. De « faible » Suzanne passe à « puissante », de « triste » elle devient « heureuse » au sein de ce lieu magique. Ce bonheur est marqué par le déversement de larmes de bonheur de Suzanne : « (…) et se mit à pleurer de bonheur ».
Une longue phrase lyrique à la gloire du cinéma commence alors.
Ce faisant, Marguerite Duras emploie des termes relatifs à la politique. Le cinéma a pour elle un pouvoir bien plus important que toutes les institutions officielles et religieuses.
Le cinéma est un lieu dit « démocratique », il est ouvert à tous, sans aucune distinction sociale ou raciale, »égalitaire » car son prix d’entrée est le même pour tous et il permettra à chacun des spectateurs de passer une nuit vraiment magique à un prix tout à fait dérisoire.
Le cinéma est vu comme un véritable remède à tous les maux, il est généreux et dispense ses bienfaits : « plus généreuse, plus dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et que toutes les églises (…) » .
Le cinémaest un lieu qui se métamorphose en un fleuve où chacun vient déverser ses peines, ses angoisses et purifier son âme « la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs et où se lave toute la jeunesse de l’affreuse crasse de l’adolescence ».
Dans la première partie de ce récit, les temps employés sont le passé simple » la lumière s’éteignit », « Suzanne se sentit »,ainsi que l’imparfait, « C’était l’oasis… ». L’emploi de ces temps permet d’exprimer les circonstances de la séance.
À ce moment du récit, Suzanne est clairement identifiée, Marguerite Duras la prénomme ainsi : « Suzanne se sentit désormais invisible, invincible et se mit à pleurer de bonheur ».
Mais, dès le début de la seconde partie du récit, Suzanne devient « invisible » et se fond dans le décorparmi tous les spectateurs auxquels Marguerite Duras attribue le pronom personnel « on »: « On ne saurait lui en imaginer un autre, On ne saurait rien lui imaginer d’autre que ce qu’elle a déjà, que ce qu’on voit ».
Le présent de narration succède alors au passé simple. Marguerite Duras l’utilise pour raconter l’histoire d’amour visionnée par Suzanne et les autres spectateurs : « C’est une femme…