1Ère

Cher Monsieur Maher,

J’ai récemment pris connaissance de votre projet d’écrire votre autobiographie, sur le modèle de Jean-Jacques Rousseau et jevous fais parvenir ce courrier afin d’y émettre quelques réserves.
Voilà plusieurs années que nous entretenons une collaboration des plussympathiques et j’ai durant tout ce temps pu constater de votre grand talent et de votre facilité à dévoiler des sentiments intimes, mais il me semble que vous nemesurez pas la portée de votre projet, mon devoir d’éditeur étant de vous mettre en garde.
Je crois savoir que vous avez connu des moments difficiles,et que les journaux à scandales vous ont parfois attribué quelques frasques. Or, une autobiographie telle que vous l’entendez se doit de n’occulterabsolument aucuns détails de votre vie personnelle, détails dont il peut même être douloureux de se souvenir. Trouverez-vous les mots ? Vous sentez-vousréellement prêt à évoquer ces passages peu reluisants dans la plus pure franchise, la plus complète transparence ?
Et quand bien même si vous l’acceptez,votre récit sera-t-il pour autant aussi fiable et aussi épanouissant que vous le prévoyez ? Avec le temps toutes les mémoires s’effritent. Vous risquez devous perdre dans les méandres de vos souvenirs, et, au grès de choix et de minimes oublis, vous finirez par transformer votre passé, ce qu’il me semblevous voulez à tous prix éviter.
Enfin, vous savez tout comme moi que l’on a souvent taxé les auteurs d’autobiographies de s’exhiber par égotisme :…