Les aventures de telemaque, huitème livre
Sommaire de l’édition dite de Versailles (1824) – Vénus, toujours irritée contre Télémaque, demande sa perte à Jupiter; mais les destins ne permettant pas qu’il périsse, la déesse va solliciter de Neptune les moyens de l’éloigner d’Ithaque, où le conduisait Adoam. Aussitôt Neptune envoie au pilote Acamas une divinité trompeuse qui lui enchante les sens et le fait entrer à pleines voiles dans leport de Salente, au moment où il croyait arriver à Ithaque. Idoménée, roi de Salente, fait à Télémaque et à Mentor l’accueil le plus affectueux: il se rend avec eux au temple de Jupiter, où il avait ordonné un sacrifice pour le succès d’une guerre contre les Manduriens. Le sacrificateur, consultant les entrailles des victimes, fait tout espérer à Idoménée, et l’assure qu’il devra son bonheur à sesdeux nouveaux hôtes.
Pendant que Télémaque et Adoam s’entretenaient de la sorte, oubliant le sommeil, et n’apercevant pas que la nuit était déjà au milieu de sa course, une divinité ennemie et trompeuse les éloignait d’Ithaque, que leur pilote Acamas cherchait en vain. Neptune, quoique favorable aux Phéniciens, ne pouvait supporter plus longtemps que Télémaque eût échappé à la tempête quil’avait jeté contre les rochers de l’île de Calypso. Vénus était encore plus irritée de voir ce jeune homme qui triomphait, ayant vaincu l’Amour et tous ses charmes. Dans le transport de sa douleur, elle quitta Cythère, Paphos, Idalie, et tous les honneurs qu’on lui rend dans l’île de Chypre: elle ne pouvait plus demeurer dans ces lieux, où Télémaque avait méprisé son empire. Elle monte vers l’éclatantOlympe, où les dieux étaient assemblés auprès du trône de Jupiter. De ce lieu, ils aperçoivent les astres qui roulent sous leurs pieds; ils voient le globe de la terre comme un petit amas de boue; les mers immenses ne leur paraissent que comme des gouttes d’eau dont ce morceau de boue est un peu détrempé: les plus grands royaumes ne sont à leurs yeux qu’un peu de sable, qui couvre la surface decette boue; les peuples innombrables et les plus puissantes armées ne sont que comme des fourmis qui se disputent les uns aux autres un brin d’herbe sur ce morceau de boue. Les immortels rient des affaires les plus sérieuses qui agitent les faibles mortels, et elles leur paraissent des jeux d’enfants. Ce que les hommes appellent grandeur, gloire, puissance, profonde politique, ne paraît à cessuprêmes divinités que misère et faiblesse.
C’est dans cette demeure, si élevée au-dessus de la terre, que Jupiter a posé son trône immobile: ses yeux percent jusque dans l’abîme et éclairent jusque dans les derniers replis des cœurs. Ses regards doux et sereins répandent le calme et la joie dans tout l’univers; au contraire, quand il secoue sa chevelure, il ébranle le ciel et la terre. Les dieuxmêmes, éblouis des rayons de gloire qui l’environnent, ne s’en approchent qu’avec tremblement.
Toutes les divinités célestes étaient dans ce moment auprès de lui. Vénus se présenta avec tous les charmes qui naissent dans son sein; sa robe flottante avait plus d’éclat que toutes les couleurs dont Iris se pare au milieu des sombres nuages, quand elle vient promettre aux mortels effrayés la fin destempêtes et leur annoncer le retour du beau temps. Sa robe était nouée par cette fameuse ceinture sur laquelle paraissent les grâces, les cheveux de la déesse étaient attachés par derrière négligemment avec une tresse d’or. Tous les dieux furent surpris de sa beauté, comme s’ils ne l’eussent jamais vue, et leurs yeux en furent éblouis, comme ceux des mortels le sont, quand Phébus, après une longuenuit, vient les éclairer par ses rayons. Ils se regardaient les uns les autres avec étonnement, et leurs yeux revenaient toujours sur Vénus; mais ils aperçurent que les yeux de cette déesse étaient baignés de larmes et qu’une douleur amère était peinte sur son visage.
Cependant elle s’avançait vers le trône de Jupiter, d’une démarche douce et légère, comme le vol rapide d’un oiseau qui fend…