Albertine et gilberte: fonctions dramaturgiques et herméneutiques dans albertine disparue de marcel proust

Analyse du relevé effectué tout au long de l’ouvrage sur les deux figures féminines que sont Albertine et Gilberte.

Albertine et Gilberte se présentent comme deux figures énigmatiques du roman Albertine disparue. En effet, les deux femmes ou jeunes filles, comme on voudra dire, n’appartiennent pas à la même « classe », n’ont pas les même goûts ni les mêmes occupations, ne se connaissent pas,n’appartiennent pas au même présent d’ailleurs puisque Gilberte est l’amour d’enfance du narrateur, tandis qu’Albertine fait l’objet d’un amour adulte et d’ailleurs charnel. Or, l’ont peut dire que ces deux personnages féminins sont élus tout deux d’une certaine manière, à la fois par le narrateur et dans le déroulement du récit: elles occupent des places particulièrement importantes dans ladramaturgie. Ensuite, l’on verra que ces deux personnages sont très différents et que, l’amour du narrateur a leur égard excepté, Albertine et Gilberte semblent ne se rencontrer en aucune façon sur le plan d’une recherche herméneutique. Cependant, nous verrons dans un dernier point que ces deux figures féminines ont des formes et des fonctions sinon similaires, particulièrement proches et ont desjalons essentiels dans la construction du récit.

I- Albertine et Gilberte: des éléments dramaturgiques

A- Deux étapes marquantes du récit:

Albertine, en quittant le narrateur, le plonge dans une « procrastination » d’autant plus profonde que ce dernier exige la solitude pour parvenir au fond des choses. Plus tard, sa mort oblige ce dernier à attendre l’oubli et à le consommer malgré tout,comme la promesse d’une libération.
Gilberte elle, est le personnage qui accélère cet oubli, notamment lorsque le narateur la prend pour une autre que celle qu’elle est réellement (p173), et s’éprend d’elle durant quelques jours.
Ainsi ont elles des fonctions opposées dans le récit, semblant chacune instaurer un développement qui semble équilibrer le précédent, voire le contredire. En fait, l’onpeut dire sommairement que ces deux figures se présentent comme les deux moments opposés et significativement parallèle du volume, l’une provocant ce que l’autre atténue.

B- Albertine et Gilberte et le Temps:

Ces deux femmes manifestent des « réalités » temporelles distinctes et ne se rencontrent d’ailleurs jamais. Gilberte est une amie d’enfance, avec qui l’amour n’a jamais été consommésous quelque forme que ce soit, tandis qu’Albertine a réellement été la maîtresse du narrateur. Elles sont des témoins de sa vie mondaine d’une certaine manière, objectivation de son existence dans le Temps: dans un premier temps, un petit garçon que Gilberte voit se promener avec ses parents(p 270), puis un homme qui retient sa maîtresse chez lui, à grand renfort de moyens financiers (Rolls,vêtements, pianola) et de surveillance accrue, sans que personne ne le sache.
De plus, en tant qu’incarnations de l’amour du narrateur, ces deux figures se présentent symboliquement comme des jalons dans le Temps, scandant la croissance et surtout la maturité du futur écrivain comme elles sont également des objets à partir desquels se déploie la réflexion du narrateur. Elles sont ainsi, à leurmanières, un révélateur de l’infinité des « moi » qu’il existe, infinité qu’elles font parvenir à la conscience du narrateur.

C- Deux amours perdues:

Les deux femmes font l’objet d’une élection dans le roman; elles sont toutes deux des prétextes au développement de l’amour du narrateur qui ainsi se projette hors de lui. Alors, en vertu de cette caractéristique commune, elles donnent lieu à descomparaisons marquant des avancées. Ainsi, l’amour du narrateur pour Albertine s’affadit au fur et à mesure que l’oubli fait son oeuvre de la même manière que celui pour Gilberte avait fini par s’éteindre lorsqu’il avait décidé de ne plus la voir. D’autres parts, la réflexion « après coup » soulève une autre question: celle de la prévisibilité des évènements. Ainsi, aimant Gilberte, le…