Dissertation
Dissertation
La poésie a-t-elle pour simple fonction l’expression des sentiments ?
Le mot poésie vient du verbe grec poiein qui signifie « produire », « créer ». Le poète se donne un pouvoir d’invention et de création verbale en exploitant toutes les ressources de la langue. La poésie consiste à travail avec les mots, c’est un art du langage qui vise à exprimer ou suggérer quelque chose, enjouant sur les sonorités, le rythme. A la création de la poésie, celle-ci était faite pour être chantée accompagnée d’un ou plusieurs sentiments, ce qui a donné naissance à la notion de poésie lyrique. Chaque poète révèle une partie de lui-même dans son œuvre, fait partager ses sentiments, ses émotions, ses idées …
La poésie est un moyen pour le poète d’extérioriser ses sentiments,notamment par le biais du registre lyrique. Elle lui permet d’exprimer l’authenticité de ses émotions, de sa sensibilité, de son intimité. Le lyrisme est ainsi une tonalité majeure de la poésie, et se retrouve partout, du Moyen Age où les troubadours chantaient l’amour, jusqu’au XXème siècle avec des poètes tels qu’Aragon ou Eluard.
La poésie lyrique est centrée sur le « moi », chante le malheur, lebonheur, les doutes et les craintes de l’auteur. Elle permet à l’auteur de faire part des émotions intenses, des sentiments, de l’affectivité qui caractérisent l’être humain. Anna de Noailles, dans J’écris, dit ainsi « J’ai dit ce que j’ai vu et ce que j’ai senti ». Le poète, par l’utilisation du « je », se place en position centrale. A travers ce « je » auquel chacun peut s’identifier, il incarne lacondition humaine au travers de l’expression des sentiments, le plus souvent dans la souffrance.
La poésie est en effet souvent reliée à des sentiments mélancoliques ou de désespoir. Pour Musset, l’inspiration poétique proviendrait même de cette souffrance : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux », dit-il. Le thème privilégié, surtout chez les romantiques mais aussi chez les poètes descourants suivants, est celui de l’amour. Les femmes inspirant cet amour, dans le bonheur ou dans la souffrance, sont parfois devenues de véritables muses, comme Jeanne Duval pour Baudelaire ou Elsa pour Aragon. Apollinaire, dans Le Guetteur Mélancolique, crie sa douleur de ne pas être aimé et apostrophe « ô mon cœur ». Les Sonnets de Louise Labbé sont également inspirés par une déception amoureuse.Le poète est souvent un être malheureux, mais l’amour n’est pas la seule cause de son désarroi. Il s’agit parfois d’un mal plus abstrait, plus profond : le spleen. C’est un état d’insatisfaction générale de l’âme, une sensation de vide, d’inachèvement. Au XIXème siècle, de nombreux poètes ressentent un manque essentiel, un besoin d’idéal ou d’ailleurs qu’ils ne peuvent exprimer qu’à travers lapoésie. Baudelaire évoque ainsi dans Spleen les « longs ennuis » et « l’Angoisse atroce », qui qualifient son mal-être, son mal de vivre. En plus de ce dégoût du monde, le poète recherche parfois un idéal, un monde meilleur. Baudelaire, dans le poème Elevation, exprime ainsi son désir d’ascension vers un idéal qu’il ne peut trouver sur Terre. Stéphane Mallarmé, dans Poésies, ressent des tourments siprofonds que seule la mort lui paraît libératrice : « j’ôterai la pierre et me pendrai ». La poésie se fait alors plainte élégiaque.
Cet art peut également être l’occasion de s’explorer, de se rechercher, comme Rimbaud quand il affirme que « je est un autre ». Au début du XXème siècle, Nerval amorce le mouvement du surréalisme, qui donnera naissance à des poèmes insolites, dominés par des métaphoresétranges. Les poètes surréalistes sont en quête d’eux-mêmes, et donnent libre cours à leur inconscient notamment par le biais du poème en prose. Cette prose poétique est qualifiée par Baudelaire de « musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme ». Il illustre le genre dans Le Spleen de Paris. Verlaine, dans Les faux beaux jours,…