Dissertation , commentaire, résumé discussion

Daouda MAR UFR des Lettres et Sciences Humaines Université Gaston Berger B.P. : 234 – SAINT-LOUIS SENEGAL E-mail [email protected]

LANGUE FRANCAISE ET LITTERATURE AFRICAINE : UNE REVOLUTION HUMANISTE

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L’existence d’une orientation éditoriale africaine concertée est désormais mondialement reconnue. La problématique des convergences sur l’élaboration et la diffusion de la littératureafricaine, peut se poser, dans une certaine mesure. Mais des principes qui ont valeur de poétique fondent une politique délibérée et réfléchie. La question qui taraude les esprits reste liée à l’utilisation du français comme langue d’écriture, de création littéraire. L’expression « littérature africaine d’expression française » semble reposer sur des antinomies irréductibles. L’on se demande s’ilsuffit d’être noir et francophone pour être classé dans la catégorie des écrivains africains de langue française. Il nous faudra tenter d’expliciter, dans la théorie et dans la pratique, la mythologie qui unit la langue d’Europe et l’art littéraire d’Afrique, en nous interrogeant sur le langage et l’universalisme, l’étymologie et la sémantique, l’écriture française et la littérature africaine. I/ -LANGAGE ET UNIVERSALISME Le thème de la langue-mère a souvent intéressé les chercheurs. En Occident, l’on a même parlé, à propos de l’hébreu, d’archilangue des enfants d’Héber, de parler de l’Eternel, de matrice des langues. Il s’agit de la croyance au don divin de la parole. Les tenants de cette thèse pensent que l’hébreu a survécu d’abord au déluge, ensuite à Babel. Le gaulois serait un héritage del’hébreu primitif. Le langage lui-même relève d’une inspiration divine à Adam. Par ailleurs, le prestige de l’hébreu est réduit chez les penseurs comme Erasme qui en signale la variabilité1. Néanmoins, l’expression intéresse beaucoup dans les Ecritures en raison de son caractère figuré. La même remarque sur la poéticité s’applique aussi bien au texte biblique qu’à la langue hébraïque. Tout mothébreu peut être aussi un trope. L’on retrouve condensé dans la langue hébraïque l’ordre de la représentation (espace) et l’ordre de l’événement (histoire). La réflexion sur l’étymologie se révèle intéressante. Une langue peut se développer ou tomber en décadence.

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– CHOMARAT J. , Grammaire et rhétorique chez Erasme, Paris, Les Belles Lettres, 1981, I, p. 79.

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La dégradation n’est pastoujours évidente. Plus de deux mille ans après Homère, la langue grecque n’a pas changé de façon notoire. Lorsqu’une langue est fixée et qu’elle demeure stable, le savoir technique et le savoir poétique se transmettent de façon sûre et presque infinie. L’idée que la poésie est un langage divin remonte dans la nuit des temps ; elle est considérée comme le premier mode d’expression des pionniers del’écriture en particulier, des génies littéraires en général dès l’origine de la création artistique. Le mot y est alors figure. Le vers, dit-on, a précédé la prose. La poésie est prophétique et a généré la théologie païenne, la philosophie et les lois. La métaphore, dans le langage des premiers hommes, occupe une place majeure, bien plus que les mots propres. JeanJacques Rousseau affirme audébut du chapitre II de l’Essai sur l’origine des langues :
« Le génie des langues orientales, les plus anciennes qui nous soient connues, dément absolument la marche didactique qu’on imagine dans leur composition. Ces langues n’ont rien de méthodique et de raisonné ; elles sont vives et figurées. On nous fait du langage des premiers hommes des langues de géomètres et nous voyons que ce furent deslangues de poètes »2.

Beaucoup de génies poétiques furent, à l’instar d’Orphée, des fondateurs de sociétés. Au-delà de l’exaltation de l’image sensible dont parle Condillac3, il est noté, dans les réflexions sur le langage, que la poésie a joué un rôle primordial dans la fixation des lois et des règles de la vie sociale, qui ont été d’abord écrites en vers. Au demeurant, les mots transforment…