Dissertation maurois

« La science donne à l’homme un pouvoir grandissant sur le monde extérieur ; la littérature l’aide à mettre de l’ordre dans son monde intérieur. Les deux fonctions sont indispensables.
André Maurois

Ce propos, tiré de l’ouvrage au titre évocateur Lettre ouverte à un jeune homme, montre une prise de position qui a pour but d’exprimer la volonté de dépasser l’oppositionlittérature/science. Maurois attribue à chacun de ces domaines un champ d’action propre, pour la littérature l’intérieur et pour la science l’extérieur, souhaitant ainsi montrer la complémentarité des deux domaines. Selon Maurois, la science permet à l’homme de comprendre le monde qui l’entoure afin de mieux le maîtriser. La littérature, par contre, a pour but de réguler l’individu par l’établissement d’undialogue. Il affirme que ces domaines sont complémentaires car la domination du monde extérieur, dans le cas de la science, et la maîtrise de soi, avec la littérature, permettent un équilibre.
Il semble que cette prise de position a pour volonté de démontrer l’importance et la nécessité de la littérature dans un monde dominé par les sciences.
Nous sommes alors amené à remettre en questioncertains suppositions de l’affirmation de Maurois, qui concernent une certaine représentation d’une part de la science et d’autre part de la littérature : la science permet-elle réellement de dominer le monde? N’a t-elle pas ses propres limites ? Que considère-t-on comme littérature dans ce propos ? Cette dernière a-t-elle vraiment uniquement l’utilité morale que lui donne Maurois ?

Tout d’abord,Maurois attribue une place démesurée à la science en affirmant que celle-ci « donne à l’homme un pouvoir grandissant sur le monde extérieur ». Je pense que la science possède ses propres limites. Si l’on considère le problème actuel du Japon quant à la gestion de sa centrale nucléaire défectueuse, on est en droit de se demander si l’homme maîtrise réellement ce qu’il a engendré par le biais de lascience. Dans ce cas précis, on a plutôt l’impression que de croire aveuglément en la science, est absurde et dangereux. L’homme doit reconnaître les limites de la science, et donc reconnaître ses propres limites. Le terme de puissance utilisé par Maurois est dans ce sens réfutable puisqu’il a tendance à faire de l’homme, grâce à la science, un surhomme voire un dieu, qui serait capable de maîtriserle monde qui l’entoure selon sa volonté. D’autre part, il serait toutefois aussi absurde de réfuter les nombreux progrès que la science a permis. Il s’agirait donc de rendre compte des limites de la science sans pour autant remettre en question son utilité.
Ensuite, il faut également souligner le fait que la science ne peut pas tout expliquer. Permettant de démontrer comment de nombreuxphénomènes qui nous entourent fonctionnent, elle se voit dans l’incapacité de répondre à des questions d’ordre existentiel. Elle se révèle inutile dans ce cas, puisqu’elle ne peut répondre aux questions suivantes : « Pourquoi j’existe ? », «Quel est le sens de la/ma vie ? », ou encore « Qu’y a-t-il après la mort ? ».
Dès lors la littérature a un rôle à jouer et pourrait sans doute combler ce besoininsatiable de compréhension. L’apport de la littérature étant, comme le dit Maurois, un régulateur interne puisqu’elle a la fonction de « nourriture » permettant d’alimenter une réflexion sur soi-même. Effectivement, la littérature rend possible une dialogue entre la l’œuvre lue et le tout-un-chacun et dans ce sens « l’aide à mettre de l’ordre dans son monde intérieur ». A partir de là, la nécessité dedéterminer ce qu’est la littérature se fait sentir. Effectivement, qu’entend Maurois par « littérature », est-ce que, par exemple, un journal peut-il être considéré comme faisant partie de la littérature ? Peut-il endosser la fonction de régulateur? Je pense que la réflexion de Maurois réfère à une certaine idée de la littérature et à un goût pour ce qu’on nomme « les grands classiques »…