Dissertation sur la question du mal

la question du mal chez Paul Ricoeur
INTRODUCTION
Depuis toujours, les hommes cherchent à expliquer leur malheur. L’explication se situe le plus souvent sur le plan de la causalité efficiente et formelle (d’où vient le mal et ce qu’est que le mal) mais elle ne peut pas aboutir à une considération de sa cause finale : quel est le rôle du mal ? Ainsi, la question du mal, ante la vie deshommes : d’où vient le mal ?, pourquoi le mal ?, qu’est-ce que le mal ?, qui en est le principal responsable : est-ce Dieu, les hommes, la société, la nature, les créatures démoniques ?, quelles sont les solutions pour sortir du mal ? L’homme s’est posé tous ces questions du mal à travers tous ses modes de pensée, mythiques, philosophiques, religieux.
Le mal est quelque chose qui ne devrait pasêtre mais qui néanmoins existe. Empiriquement ressenti à travers la douleur, de convert dans l’effondrement et la destruction, il fait problème pour la métaphysique. Il déchire l’harmonie, il met fin à toute paix. Il force l’esprit à regarder en face l’ordre déchiré du cosmos, et finalement, à mettre en question l’intelligibilité de l’être lui-même.[1] Le mal est l’horreur, l’indicible,l’impardonnable, le scandale indépassable, l’indésirable, le génocide, l’exploitation, la misère, tout ce qui dans la vie quotidienne altère en chacun l’humanité.
Depuis les hauts accomplissements de la pensée antique, la philosophie enseigne l’unité voire l’identité de l’être et du bien, du réel et du vrai. Or le mal met en question cette unité, arrache le bien à l’effectif. Le monde est autrement qu’ildevrait être et cette altérité est le mal.[2]
Le vingtième siècle, époque des guerres d’exterminations, des génocides, de l’apparition de multiples menaces envers la vie même de l’humanité, n’abandonne pas la voie philosophique pour cerner le mystère du mal. De nombreuses réflexions vont être faites. Paul Ricœur (philosophe français : 1913-2005) ne sera pas en reste de ce sillage réflexif. Ilmènera notamment des réflexions à travers ces ouvrages Finitude et culpabilité (1960), Le Conflit des interprétations (1969) et en 1985, il présentera une conférence à la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne sur le mal. Le texte de cette conférence sera publié un an après sous le titre : Le Mal. Un défi à la philosophie et à la théologie aux éditions Labor & Fides. Pour Paul Ricœur,méditer le mal, c’est dire une faille. Car la liberté de l’homme est sommée à exister devant le mal. « Méditer sur le mal, c’est pour Paul Ricœur et la tradition qu’il reprend, dire une faille au cœur de tout enfermement dans l’être, naturelle, et radicalement, s’adosser à cette rupture pour l’être, être homme. »[3] À cet effet, le mal ne relève plus du temps, mais de ma liberté choisie par moidans mon existence.
Le mal représente un défi à la philosophie et à la théologie. Tel est le motif de sa conférence qui ne cesse d’être encore aujourd’hui un champ d’investigation pour l’assoiffé de la vérité qu’est le philosophe. Poser ce défi revient à prendre la mesure de l’ampleur et du problème par une phénomelogie de l’expérience du mal. C’est distinguer les niveaux du discours surl’origine et la raison d’être du mal.
Nous ne pouvons manquer, nous aussi, de faire une analyse de cette pensée qui n’est pas encore sur le point de ne plus être pensée. Ainsi, notre travail considéra d’abord en première partie à présenter la pensée de Paul Ricœur sur le mal à travers une étude suivie de son œuvre. Il s’agira donc dans cette partie de présenter la conception du mal selon Paul Ricœur.L’expérience du mal : entre le blâme et la lamentation, la présentation des différents niveaux de discours dans la spéculation sur le mal : mythe, sagesse, gnose et gnose anti-gnostique, la théodicée et la dialectique brisée et en fin les solutions possibles : penser, agir et sentir. Puis en seconde partie, nous ferons une évaluation de la vision du mal chez Paul Ricœur en montrant les…