Dissertation un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ?

Sujet : Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ?

Le genre romanesque a déterminé à sa création le rôle du héros ainsi que ses caractéristiques essentielles. Mais avant même le roman, dans l’Antiquité, le héros existait. C’est ce héros antique, un sur-homme sinon un demi-Dieu, doté dans tous les cas d’un courage inégalable et d’un destin exceptionnel, qui détermine le premierhéros romanesque. Ce héros évoluera avec le roman (héros merveilleux, vertueux, noble, bourgeois…) jusqu’à subir une révolution au XIXe siècle : devenir médiocre (sans éclat, inférieur à la moyenne). Le roman, qui baignait jusqu’alors dans la constante de « l’exceptionnel », met maintenant en scène la médiocrité, le « sans-éclat ». Or la définition même du héros, « personnage mythique ou légendaireayant accompli (ou accomplissant) des faits extraordinaires », est en contradiction avec la médiocrité : le héros d’un roman n’est pas que le personnage principal de celui-ci, il est aussi le personnage qui se distingue par sa bravoure et ses mérites exceptionnels. Cette définition du héros peut donc être diamétralement opposée à celle d’une personne médiocre. Cependant, certains romanciers ontpassé outre cette opposition et ont fait évoluer le roman pour donner une nouvelle définition du personnage principal d’un roman. Une question se pose alors : un personnage peut-il être médiocre et héros romanesque simultanément ? Nous essaierons d’apporter une réponse en trois temps ; tout d’abord nous étudierons les avantages qu’offre l’utilisation de héros emblématiques, puis nous montrerons quele personnage médiocre sied parfaitement à un certain type de roman et nous terminerons sur une étude de la tendance actuelle, qui varie entre les deux.

Les héros emblématiques sont considérés depuis longtemps comme utiles par les romanciers qui considèrent que ceux-ci sont le meilleur moyen pour répondre à la demande d’évasion des lecteurs. Les héros exemplaires naissent bien sûr avec lamythologie, qui nous crée des demi-dieux à qui l’on donne des qualités telles que le courage, la force ou l’humanité et un destin extraordinaire. Prenons l’exemple d’Héraclès (Hercule dans la mythologie romaine), fils de Zeus, et de ses douze travaux, ou de Thésée, qui créa Athènes après s’être débarrassé du Minotaure. Ces traits de caractère et ce destin extraordinaire sont repris par l’épopée.Ainsi, Homère, avec l’Odyssée, nous conte le voyage d’Ulysse, qui n’est plus un demi-dieu mais un homme doté de grandes qualités (détermination, courage, intrépidité, intelligence…) condamné par les Dieux à voguer sur les mers sans jamais retourner chez lui. Ses actions font de lui un héros au moins égal aux demi-dieux. Avec l’épopée, on observe une première évolution du héros : le personnage accèdeau statut de héros par ses actions, il doit maintenant prouver sa valeur dans un combat épique ou des aventures extraordinaires. La quête du Graal reprendra toutes les caractéristiques du héros de l’épopée et l’adaptera à son temps : Perceval part à la recherche du Saint Graal (la coupe qui a recueilli le sang du Christ lors de la Cène, son dernier repas) et y accédera, sans même s’en rendrecompte, grâce à son courage et la pureté de son cœur. On remarque aussi que le héros est toujours placé dans une situation au-dessus de celle du lecteur (Ulysse est le roi d’Ithaque, tous les personnages de la quête du Graal sont des nobles qui entourent le roi Arthur) : cette caractéristique répond d’autant plus au désir d’évasion du lecteur. Ainsi, un personnage à la limite de la perfection, unvéritable héros, dont la richesse et la place dans la société seules font rêver et dont les aventures sont extraordinaires exalte et transcende le Moi du lecteur, le fait s’évader au-delà du réel.
L’auteur, à travers la perfection de son héros, peut aussi chercher à transmettre un message. Ainsi, Rabelais dresse le portrait de Gargantua (en 1534) et Pantagruel (en 1532), deux géants qui débordent…