Evans contre ru

Commentaire :
CEDH Evans c. Royaume-Uni, 10 avril 2007

L’affaire Evans contre Royaume-Uni, tranchée par la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme le 10 avril 2007, soulève la délicate question du devenir des embryons lorsqu’il y a révocation du consentement par un des partenaires dans le cadre d’une fécondation in vitro. Question d’autant plus délicate en l’espèce dans lamesure où des circonstances exceptionnelles faisaient que les embryons représentaient la dernière chance de l’autre partenaire d’avoir un enfant biologique. En effet, des tumeurs précancéreuses l’obligeant à subir une ovariectomie en 2000, Mme Evans accepta qu’on lui prélève des ovules afin de procéder ultérieurement à une procréation médicalement assistée avec son compagnon. Une fois lesconsentements des deux intéressés recueillis suivant la loi anglaise de 1990, les ovules de Mme Evans furent fécondés avec le sperme de son compagnon. Six embryons furent crées et mis en conservation en 2001. Cependant, le couple se sépara l’année suivante et le compagnon de Mme Evans révoqua son consentement avant l’implantation embryonnaire comme le lui permettait la loi. Il demanda la destruction desembryons. En accord avec la loi de 1990, la clinique informa Mme Evans de son obligation légale de destruction des embryons faisant suite à la rétractation de son ancien compagnon. Par conséquent, Mme Evans saisit les juridictions nationales afin d’obtenir la conservation desdits embryons. Elle estimait qu’il y avait atteinte à leur droit à la vie ainsi qu’au respect de sa vie privée et familiale.Les juridictions britanniques la déboutèrent définitivement. Mme Evans saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme en vertu des articles 2, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Des mesures conservatoires destinées à préserver les embryons au cours de la procédure furent décidées par la Cour. Toutefois, par un arrêt du 7 mars 2006, la Chambre de la Cour EDH décidade la non violation desdits articles. Une saisine de la Grande chambre eut lieu à la demande de Mme Evans. La requérante considère que la rétractation de son ancien compagnon et l’obligation de destruction des embryons qui lui fait suite cause une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garantie par l’article 8 de la Convention. Mme Evans se fonde sur le fait que ladestruction des embryons la prive définitivement de la possibilité d’être mère biologiquement. Selon elle, le droit de révocation du consentement consacré par la loi de 1990 est disproportionné et il y a une absence de nécessité. Se sentant discriminée par rapport aux femmes pouvant disposer librement de leur embryon in utero, Mme Evans invoque l’article 14 de la Convention relatif à la discrimination. Larequérante avait affirmé devant la Chambre, en vertu de l’article 2 de la Convention EDH, qu’il y avait violation du droit à la vie des embryons.
Dans quelles mesures peut-on concilier les intérêts en présence et parvenir à une solution respectant les droits de chacun, notamment celui du respect à la vie privée et familiale, lorsqu’un des géniteurs use du droit de révocation de son consentement àla procréation médicalement assistée tandis que l’autre n’a plus que cette opportunité pour être parent biologique? La possibilité laissée à un partenaire de révoquer le consentement à la fécondation in vitro telle que consacrée par la loi de 1990 peut-elle caractériser une atteinte aux droits de l’autre partenaire?
La Cour EDH en sa Grande chambre décide qu’il n’y a aucune violation de laConvention. Après avoir admis que le litige concernait le respect de la vie privée de la requérante, elle observe qu’il est impossible de concilier les intérêts de Mme Evans et ceux de son compagnon, car cela revient soit à priver la femme de la possibilité d’être mère soit à obliger l’homme à être père. Aucun des intérêts en présence ne pèse plus que l’autre. S’est posée la question de savoir si la…