La libérté a t elle un prix
Problème : On peut poser ainsi le problème : à quel prix la liberté ? Est-il facile d’être libre ? N’est-on pas libre au prix de la responsabilité qu’il faut assumer ? Peut-on perdre sal liberté ?
La liberté est « une belle idée », mais dans quel but ? Et à quel prix ? N’a t-elle pas une valeur ? Ou n’est-elle pas une valeur ?
Textes :
Le « je pense » puis la parole m’ont m a n i f e s t éla liberté : je ne suis pas déterminé par un enchaînement causal, à la différence des animaux ou les êtres matériels en général. Mais la
liberté se définit-elle seulement de façon négative, comme le fait de ne pas être déterminé ?
Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m’a pas donné un libre arbitre, ou une volonté assez ample et parfaite; puisqu’en effet je l’expérimente si vagué et siétendue, qu’elle n’est renfermée dans aucunes bornes. Et ce qui me semble bien remarquable en cet endroit, est que de toutes les autres choses qui sont en moi, il n’y en a aucune si parfaite et si étendue, que je ne reconnaisse bien qu’elle pourrait être encore plus parfaite. Car, par exemple, si je considère la faculté de concevoir qui est en moi, je trouve qu’elle est d’une fort petite étendue, etgrandement limitée, et tout ensemble je me représente l’idée d’une autre faculté beaucoup plus ample, et même infinie; et de cela seul que je puis me représenter son idée, je connais sans difficulté qu’elle appartient à la nature de Dieu. En même façon si j’examine la mémoire, ou l’imagination, ou quelque autre puissance, je n’en trouve aucune qui ne soit en moi très petite et bornée, et qui enDieu ne soit immense et infinie. Il n’y a que la seule volonté, que j’expérimente en moi être si grande que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c’est elle principalement qui me fait connaître que je porte l’image, et la ressemblance de Dieu. Car encore qu’elle soit incomparablement plus grande dans Dieu que dans moi, soit à raison de la connaissance etde la puissance qui s’y trouvant jointes la rendent plus ferme et plus efficace, soit à raison de l’objet, d’autant qu’elle se porte et
s’étend infiniment à plus de choses; elle ne me semble pas toutefois plus grande, si je la considère formellement et précisément en elle-même : car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose ou ne la faire pas (c’est-à-dire affirmer ou nier,poursuivre ou fuir) ou plutôt seulement en ce que pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l’entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu’aucune force extérieure nous y contraigne. Car afin que je sois libre, il n’est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l’un ou l’autre des deux contraires, mais plutôt d’autant plus que je penchevers l’un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s’y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l’intérieur. de ma pensée, d’autant plus librement j’en fais le choix et je l’embrasse : et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l’augmentent plutôt et la fortifient. De façon que cette indifférence que je sens lorsque je ne suis pointemporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu’une perfection dans la volonté; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai, et ce qui est bon, je
ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement, et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrementlibre sans jamais être indifférent.
R. Descartes, Méditations métaphysiques
Ce texte est extrait d’une réponse de Descartes à la lettre d’un de ses correspondants qui l’interrogeait à propos d’un passage de la quatrième méditation métaphysique dans laquelle il disait : « de façon que cette indifférence que je sens lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le…