La loi du 5 avril 1884

Commentaire de l’extrait du projet de réforme de la loi municipale du 5 avril 1884

Comme l’affirme à juste titre M. Michel VERPEAUX, « le début de la IIIème République a été marqué par des réformes essentielles dont les effets sont parfois encore présents [dans le Droit positif] ». C’est la raison pour laquelle la loi du 5 avril 1884, avec celle du 10 aout 1871, est considéréeaujourd’hui comme une véritable « charte de l’organisation locale ».

Le projet de réforme de la loi du 5 avril 1884 s’inscrit dans un mouvement décentralisateur qui vise à donner davantage de pouvoirs à ce qui s’appellera moins d’un siècle plus tard les collectivités territoriales. Pour ce faire, les auteurs du projet de réforme de la loi de 1884 s’attachent à justifier la nécessité d’élargir d’unepart, la libre administration des communes et des départements et d’autre part, la décentralisation, c’est à dire la reconnaissance à côté de l’Etat, de personnes publiques, disposant d’une certaines autonomie de décision et de gestion. Cette justification passe notamment par le fait que la décentralisation apparait comme un moyen de division du pouvoir entre les mains des citoyens afin de fairecontrepoids à l’Etat central despotique et tout puissant, tel que cela avait pu être le cas sous l’ancien régime.

En effet, les courants révolutionnaires, de Tocqueville notamment, ont présenté la décentralisation comme un gage de démocratie en France alors que l’excès de centralisation équivaut à un excès d’autorité. L’histoire a en effet démontré par la suite que tant les régimesnapoléoniens que la Restauration, l’Empire et la Ière République se sont révélés tout aussi centralisés qu’ils étaient autoritaires. Il faudra attendre la monarchie de juillet en 1830, et l’avènement d’un régime parlementaire d’inspiration libérale pour voir initié un mouvement d’autonomisation des Collectivités territoriales. Enfin, la IIIème République instaure la démocratie locale en développantprogressivement les idées libérales et la décentralisation. Elle ancre l’autonomie politique et juridique des Collectivités au cœur du paysage juridique français, et ce par les deux grandes lois, départementale du 10 aout 1871 et municipale du 5 avril 1884. La première organise l’institution départementale selon un modèle qui restera en vigueur jusqu’à la loi du 2 mars 1982 : un conseil général composéde conseillers généraux élus pour 6 ans et une commission départementale, dont l’exécutif est confié au préfet. Cette loi conforte également le rôle des départements en distinguant compétences étatiques et départementales. La seconde uniformise le régime général applicable aux communes en les dotant d’une assemblée délibérante, d’un conseil municipal élu pour 6 ans et d’un exécutif, le maire,élu par le conseil municipal. En effet, si les communes ont été crées le 14 décembre 1789, la loi du 5 avril 1884 est considérée comme la grande loi municipal définissant les principes généraux d’organisation, de tutelle et de compétences des communes. Elle refuse de traiter différemment les grandes et les petites communes et prévoit un régime uniforme pour toutes.

Cependant, les Lois de1871 et de 1884 furent avant tout des lois d’unification du régime juridique applicable aux deux institutions (communes et départements) mais elles furent beaucoup moins des lois de renforcement des libertés locales. De plus, malgré ces deux textes, les communes et les départements restent soumis à un contrôle de tutelle très strict exercé par les préfets.

Dans ce contexte, la question quise pose ici est de savoir comment le projet de réforme envisage de développer la décentralisation et les idées libérales tout en conservant à l’Etat un pouvoir suffisant qui garantisse le caractère unitaire de l’Etat français ?

C’est pourquoi, si la première partie sera consacrée à la volonté du projet de réforme d’élargir le mouvement décentralisateur, la seconde partie s’attardera…