Le genre littéraire est-il nécessaire à l’argumentation?

Bien que le genre littéraire soit utile à l’argumentation, il n’est pas pour autant décisif. En effet, présentés sous une forme différente, de mêmes arguments peuvent tout de même produire le même impact. De plus la forme doit être adaptée aux époques et aux goûts car elle peut également nuire à la réflexion critique.
En 1759, Voltaire écrit Candide ou l’Optimisme qui outre sa critique de laphilosophie de l’optimise avancée par Leibnitz, dénonce aussi de façon sporadique les mœurs de son époque, l’inutilité et la barbarie de la guerre etc. Toutes ces attaques sont présentées à travers les yeux de Candide de façon ironique, accentuée par la naïveté du personnage. Dans le chapitre 3 de l’ouvrage, il relate une scène de guerre. Voltaire a su écrire son texte de façon à ce qu’on ai lepoint de vue de Candide et le grincement de l’auteur. Voltaire s’arrange pour dénoncer la guerre en deux temps, une désinvolture qui imite avec moquerie la vision optimiste du monde et l’aggravation de la guerre par son coté le plus réaliste et cru : il fait réfléchir le lecteur en accumulant les horreurs qui suivent les deux armées. Comme dans tout apologue, l’auteur transmet une idée, un point devue de façon distrayante. En 1764, il reprend sa critique de la guerre dans Article « Guerre » publié dans le Dictionnaire philosophique. A l’inverse du comte, l’auteur présente une conviction qui cherche à emporter l’adhésion du lecteur par la persuasion. Il peut utiliser l’ironie présente dans l’antithèse « le merveilleux de cette entreprise infernale » mais l’article reste encré dans le registrepolémique puisqu’il emploi des termes forts comme « hypocrisie », « discrimination », des apostrophes « Misérables médecins des âmes », « Philosophes moralistes » etc. La particularité de Article « Guerre » est qu’il utilise un paragraphe de persuasion après 5 paragraphes sollicitant la raison ; en faisant appel aux émotions du lecteur, Voltaire renforce son argumentation et emporte plusfacilement l’adhésion du lecteur.
Bien que deux formes argumentatives différentes puissent créer le même impact sur le lecteur, toutes les formes, en fonction des époques et des goûts, ne servent pas l’argumentation. C’est pourquoi le genre littéraire doit s’adapter au public.
Jean de la Fontaine vit sous le règne de Louis 14. Il vient d’un milieu aisé et a pour protecteur Fouquet. Son titre defabuliste lui permet d’éviter la censure, en effet il dit vouloir corriger les mœurs sans pensée révolutionnaire. La tradition de l’apologue, poésie porteuse d’un enseignement, a une visée didactique et distrayante. Son premier recueil, en 1668, est dédié au dauphin, le second est dédié à Mme de Montespan, favorite du roi. La Fontaine se sert de l’entourage du roi pour critiquer le fonctionnement de lamonarchie, de la cours etc. Il n’hésite pas dans ces apologues, à critiquer les mœurs de son époque de façon voilée : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes ». Cependant, bien que prisées par la cours de Louis 14, les fables peuvent maintenant paraitre un peu légères à une époque où toute accusation est directe et brute ! En effet, atteindre rapidement un large public, parfois audétriment même de l’argumentation, à l’opposé d’Emmanuel Kant qui, dans son article Qu’est-ce que les Lumières ? publié en 1784 cherche l’attention d’un public restreint par un effort de style et une richesse du vocabulaire qui passe ici par l’emploi du latin : « Sapere aude », « naturaliter maiorennes » etc. pour expliquer la spécificité du mouvement des Lumières. Les messages passent aussi maintenantpar les médias comme la télévision, la radio et ont également un impact sur nous, différent selon la forme utilisé. Dans un autre registre, les guignols de l’info ou certains humoristes font passer des messages tout aussi percutants comme Coluche qui dans son sketch « les discours en disent long » critique les hommes politiques de l’époque. A l’instar de l’apologue, les humoristes cherchent…