Les liaisons dangereuses

A Codes, signes, caste.
Une représentation de l’aristocratie décadente
 Les différentes classes de la société représentées
dans le roman
Pour réfléchir
Quelles catégories sociales sont représentées dans le livre ?
Mise au point
Les principaux personnages du roman appartiennent à l’aristocratie, plus précisément à la
noblesse d’épée, héréditaire et ancienne. Elle est plus prestigieuse etse distingue de la noblesse de
robe, plus récente et acquise grâce aux fonctions judiciaires et parlementaires. Chevalier, vicomte, marquise,
la hiérarchie nobiliaire est bien représentée dans le roman, et l’on constate que le degré d’autorité
et de pouvoir des uns sur les autres coïncide avec cet ordre social. La Présidente de Tourvel quant
à elle appartient à la haute bourgeoisie. Monsieurde Tourvel est un haut magistrat, « président à
mortier » au Parlement de Paris, sorte de cours de justice sous l’Ancien Régime (le mortier désigne la
toque ronde portée par le président). Or, la Présidente de Tourvel est le personnage le plus vertueux
du roman et l’on serait tenté d’interpréter le livre comme une critique de l’aristocratie face
aux valeurs bourgeoises. Mais cetteinterprétation politique du roman est abusive dans la mesure
où, socialement, rien ne distingue la Présidente de Tourvel des aristocrates qu’elle fréquente. Elle évolue
dans le même cercle qu’eux, et vit selon les mêmes usages. Ce qui la distingue repose sur des qualités
intrinsèques qu’elle ne doit qu’à sa nature et non à la catégorie sociale à laquelle elle appartient :
« Les Présidentes, quelle que soitleur origine, se rapprochent par leur genre de vie et leurs préoccupations
de l’aristocratie qu’elles fréquentent et à laquelle elles se mélangent. »
Léon Abensour, La Femme et le féminisme avant la Révolution, 1923
En outre, le roman abonde de domestiques dont les plus représentés sont les valets et les femmes
de chambre. Le vicomte dispose d’un valet, son « chasseur » nommé Azolan, et lamarquise de Merteuil
dispose de sa « fidèle » Victoire. Seule Madame de Tourvel est trahie par la vénalité de sa femme de
chambre nommée Julie. Bien qu’ils n’appartiennent pas à la classe privilégiée de leurs maîtres, ils
vivent dans leur intimité, en particulier la première femme de chambre qui reçoit les confidences de
sa maîtresse. Dans Les Liaisons dangereuses, ce personnel tenu par lesmaîtres ou désireux d’assurer
leur bien-être, n’exprime aucune velléité d’indépendance. Son dévouement zélé constitue d’ailleurs
l’image forte du début du film de Stephen Frears où l’on peut voir une cohorte de domestiques affairés
qui habillent, maquillent et coiffent leurs maîtres, suivant un rituel matinal. (Séquence 1- de 0h : 01mn :
46 s à 0 h : 03 mn : 04 s).
On notera enfin que le monderural apparaît une seule fois dans le roman (épisode de charité
de Valmont rapporté dans la lettre 21). À cette occasion, l’auteur décrit la pauvreté de ces gens
qui les contraint à dépendre de la classe sociale représentée par Valmont. Si cette scène est susceptible
d’attirer l’attention du lecteur nanti sur l’indigence du milieu paysan, elle met surtout en évidence
la cruauté de l’aristocratelibertin. En effet, la charité dont fait preuve Valmont ne correspond pas à
un élan de générosité désintéressée de sa part, encore moins à une remise en cause des injustices et
des différences sociales dont il profite. Il s’agit simplement d’un stratagème destiné à émouvoir la
Présidente de Tourvel.
Un tableau de moeurs
© Cned – Académie en ligne
Séquence 3-FR01 165
 La subversion des lienssociaux et de l’idéal
des Lumières
Pour comprendre en quoi l’univers libertin des Liaisons dangereuses pervertit les liens sociaux, il faut se
rappeler que le siècle est traversé par l’esprit des Lumières, et que les libertins puisent dans ce courant
de pensée le terreau de leur formation. Ils partagent en effet avec les philosophes du XVIIIe siècle, la
dénonciation des croyances et des…