Les limites à la liberté d’expression mars 2010

Les limites à la liberté d’expression

Max Stirner a pu dire que « La liberté ne peut être que toute la liberté ; un morceau de liberté n’est pas la liberté. »
Il soulève ici un débat houleux portant sur l’encadrement des libertés. Peut-on limiter les libertés ? Dans quelles mesures ?
Voltaire, par cette phrase « je désapprouve ce que vous dites mais je défendrai jusqu’à la mort votre droitde le dire » souligne avec force de la liberté d’expression, comme un principe quasi absolu.
L’expression se définit comme « la manière de rendre sa pensée par la parole ou par la plume » ; elle désigne donc le prolongement, l’extériorisation de la conscience.
Ce point de vue pourrait être corroboré par la valeur qu’accordent à cette liberté les différentes cours et textes internationaux,européens, communautaires et français.
Dans son arrêt « Cohen v. California », de 1971, la cour suprême des Etats-Unis énonce que la garantie de la liberté de parole et d’expression dérive de la « conviction qu’aucune autre attitude ne serait cohérente avec le principe de la dignité et de la liberté de choix de chaque individu, sur lequel repose notre système politique ».
La commission européennedes droits de l’homme, également, dans son rapport du 30 novembre 1993 dans l’affaire dite « Vogt contre Allemagne », fait de la liberté d’expression « la pierre angulaire des principes de la démocratie et des droits de l’homme protégés par la convention ».
Les juridictions Suisse, en 1961, n’ont pas hésité à assimiler la liberté d’expression à « un élément essentiel de l’ordre démocratique etjuridiquement de la confédération ».
Pareillement, le Conseil constitutionnel français, associe la liberté d’expression à « une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son existence est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale » ( CC, le 10-11 octobre 1984).
Tous ceci montrent bien qu’on ne saurait dissocier la libertéd’expression des valeurs fondamentales de la démocratie libérale. L’importance de cette liberté a attisé l’engouement de la Cour Européenne de Strasbourg qui s’est hissé comme le protecteur de la liberté d’expression.
Reste que l’expression a une dimension collective et conflictuelle qui peut donner lieu à des abus soit envers d’autres hommes, soit envers la société, et c’est pourquoi, au même titreque toutes les libertés, elle ne peut se déployer que jusqu’à la limite de la nuisance à autrui ou à l’intérêt général. On voit ici, la difficulté du problème posé par l’existence de limites à son exercice.
La problématique est d’autant plus épineuse que la liberté d’expression est un corollaire de la liberté d’opinion (qui elle n’est pas juridiquement limitée) et induit la liberté d’information(dans des dimensions actives et passives, cf art 19 PIRDCP 1966) soumise à un encadrement juridique dans un but de pluralisme. Or, dans cette chaîne de libertés, la liberté d’expression en tant qu’elle implique une manifestation « l’extériorisation de la conscience » est la première à pouvoir être limitée (pour éviter les abus et l’anarchie) mais la plus importante à préserver (pour préserverl’indépendance de l’esprit et éviter le fascisme).
Ainsi, poser la question de l’existence de limites à la liberté d’expression revient à chercher ce point d’équilibre où les restrictions qui lui sont apportées sont la garantie de son exercice. Dès lors, où est la limite à la liberté d’expression?
Il s’agira de voir que les limites à la liberté d’expression sont le résultat de la recherche d’unéquilibre avec entre la nécessité de la limiter du fait de l’existence d’autres droits et la nécessité d’établir un espace public. (I)
Puis, nous constaterons les difficultés à établir des limites et la tendance à promouvoir la liberté d’expression au détriment de certains droits. (II)

I-Entre la nécessité de délimiter la liberté d’expression et la d’établir un espace public
A. La liberté…