«Penser l’histoire»

Sujet:
«L’histoire ne peut nous indiquer ce qu’il faut faire»
Consigne:
Dans quelle mesure ce propos du penseur autrichien Karl POPPER peut-il correspondre à votre lecture du thème «Penser l’histoire» dans les oeuvres au programme?

Corrigé:

Pour choisir ses actes ou les justifier l’homme pense toujours à l’histoire. Il y a donc risque de le voir réduit à juste essayer de reproduire lepassé par le sacrifice de toute forme d’indépendance et d’initiative individuelle. Cette tendance semble ne pas remporter le soutien de K. Popper qui affirme que « l’histoire ne peut nous indiquer ce qu’il faut faire». Un tel ton catégorique met en garde et invite à prendre notre distance vis-à-vis de la mémoire collective. Comment donc l’homme peut-il rompre avec une partie de son identité?l’histoire n’est-elle pas digne de confiance même avec toutes ses leçons pouvant inspirer ses acteurs? notre réception du passé est-elle une adhésion totale ou aussi une lecture critique? on verra donc comment, au niveau de Horace de Corneille, les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand et le 18 Brumaire de Louis Bonaparte de K. Marx, le récepteur de la mémoire collective peut-il marquer sa fidélité àson égard tout en affirmant son indépendance et sa liberté. On verra d’abord les contraintes qui pourraient dicter notre démarcation vis-à-vis de la vérité historique. On essaiera ensuite de montrer que les leçons de l’histoire peuvent malgré tout être un point de jonction possible entre nous et les prédécesseurs.

On ne peut jamais étudier le passé sans penser aux risques objectifs ou subjectifsde mystification. Il s’agit là de contraintes qui ne peuvent nous prendre en otage et nous «indiquer ce qu’il faut faire». L’action historique semble être avant tout une réponse immédiate à ses propres circonstances. Le sujet n’agit que pour répondre à ses intérêts propres ou à ceux de sa communauté.

En effet, l’urgence de la situation peut être parfois le moteur de l’histoire. Le reniementdes liens du sang et de l’amitié par Horace se fait dans l’ivresse de la gloire et dans une ambiance où le destin de la cité est en jeu. Il y va de l’efficacité du héros qui se mesure par sa capacité à agir en vue de détourner le moment historique à son profit. Cette même logique est reproduite avec Chateaubriand dont le retour en catastrophe de l’Amérique est dicté par la pressante menace qui pèsesur le double sort de la monarchie et de l’aristocratie. Comment donc peut-on se permettre l’emprunt de mobiles ou de circonstances révolus, donc plus valables?

Si la même époque connaît des intérêts politiques antinomiques, il est de même pour les différentes phases historiques. Chez Corneille, la raison d’Etat, incarnée par le détournement et la récupération sans condition de l’héroïsme parl’autorité, ne serait qu’un contre poids visant à apprivoiser la fronde aristocratique et le fanatisme religieux pour favoriser ainsi la naissance de la version centralisée et moderne de l’Etat. Ce même schéma se trouve terriblement inversé avec Chateaubriand. En effet, les révolutionnaires de 1789 procèdent, dans ce qui ressemble à un acte de vandalisme généralisé, à la dislocation du pouvoirroyal pour instaurer une république qui met en place la Terreur au nom de la volonté populaire. Le lecteur bien avisé ne peut ainsi prendre pour modèle d’action des soucis purement étatiques ou l’image d‘un «fleuve» révolutionnaire en débordement moral et politique.

En plus de cet intérêt collectif, les circonstances de l’action peuvent relever uniquement du désir du moi d’inscrire son nom dansl’histoire par tous les moyens. Louis Bonaparte tente la porte des élections après avoir échoué par le coup de force. Il n’hésite pas à marcher sur la Constitution qui l’apporte au pouvoir pour juste reproduire l’héritage glorieux de son oncle. Il s’agit là de la reproduction d’un précédent historique jugé comme référence, donc comme modèle, et que Horace, à l’image de Romulus, pousse jusqu’au…