Qu’est-ce qui fait la valeur d’une valeur morale?
Qu’est-ce qui fait la valeur d’une valeur morale?
Les valeurs morales, idées qui guident le jugement d’un individu à l’appui d’un « code moral », ou système de référence éthique, semble s’imposer à la conscience individuelle comme aspiration à un idéal, ce dernier relevant au premier abord du « bon » ou du « juste ». Si l’étude sociologique ou anthropologique est susceptible de révéler latransmission d’une valeur morale par une idéologie singulière, une religion, une société humaine, l’homme semble la percevoir « spontanément », presque « intuitivement », en son intériorité même; cette apparente opposition s’adjoint au constat d’une revendication d’universalité inhérente aux valeurs morales, alors même que celles-ci semblent fondamentalement relatives au comportement d’un individu,ou d’un groupe humain, particuliers. « Comprendre » la valeur morale nécessite alors d’interroger son fondement: qu’est-ce qui fait la valeur d’une valeur morale? quelles prémices, sociales, philosophiques, ou peut-être même biologiques, justifient l’adoption et la perpétuation d’une norme morale?
L’appréciation de la « valeur » relève, pour sa part, de la discipline axiologique. Cette dernière,définie comme une véritable « science des valeurs », morales notamment, se donne pour objet la réflexion sur les fondements de nos jugements de valeur, en tant qu’ils en constituent une apparente justification. Or une telle étude révèle en premier lieu un fréquente indéfinition du treme « valeur » même: c’est de la confusion de cette notion avec les concepts proches de « bien » ou de « fin » quesemblent naître des morales hédonistes, ou utilitaristes; pourtant, fonder la « valeur morale » sur la recherche individuelle du bonheur, sur la satisfaction d’intérêts singuliers, n’est-ce pas condamner toute morale à un relativisme, qu’une doctrine intuitionniste même semble inapte à justifier? Si l’on accepte comme échec de telles conceptions de la morale, la recherche des fondements d’unemorale universelle semble s’imposer: au fondement de ce mouvement se place l’éthique kantienne d’un « impératif catégorique », absolu et s’imposant à chaque être raisonnable par-delà ses déterminations individuelles. Pourtant, ne peut-on pas clamer, au vu de tels préceptes, que « l’essence même des expressions morales est d’être des non-sens »? Alors que les sociétés se sont vues progressivementdépossédées d’une « foi en l’Homme » qui se plaçait peut-être à la source de la pensée des Lumières, la critique radicale des « morales traditionnelles » ouvre la voie à de recherches nouvelles, formes de rencontre de la revendication philosophique et des sciences contemporaines.
Si la démarche axiologique se propose de déterminer les possibles fondements de la « valeur », c’est cette notion mêmequ’elle a pour tâche, en premier lieu, de définir. L’étymologie du terme situe son origine dans l’ancien français, soulignant qu’il était alors synonyme de « vaillance », ce dernier sème provenant lui-même du latin « valere », « être fort, être en bonne santé ». Une telle étymologie révèle dans le même temps une absence d’un terme « valeur » dans la langue grecque antique, alors même que la penséephilosophique, dès sa naissance, semble orientée vers la recherche de hiérarchies, voire même de la seule hiérarchie « véritable » et « juste », et ne saurait donc ignorer le concept qu’il exprime. L’interrogation sur les valeurs, dans leur portée morale notamment, apparaît dès lors s’effectuer, dans la pensée platonicienne notamment, à l’appui du concept d’« agathon », « le bien »: cette recherche,à son origine, est celle du « souverain bien », ou « bien suprême », davantage que celle d’une « suprême valeur ». Pourtant, la réflexion de Platon le conduit à constater, à plusieurs reprises, l’extrême ambiguïté, l’indétermination presque du concept d’« agathon », et La République souligne qu’aux yeux de certains contemporains, le bien se définit par « l’intelligence du bien, comme si nous…