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Le surréalisme

Le surréalisme, d’abord poétique, s’ouvre, pendant la période de la Première Guerre mondiale (1914-1918), à un vaste mouvement de contestation globale, qui vise à subvertir non seulement les formes artistiques, mais aussi les assises intellectuelles et morales de la société moderne. Le surréalisme marque, après la révolution de la peinture cubiste et de l’art abstrait dans lesannées 1910, la seconde naissance de l’art moderne.

1. Quels phénomènes préludent à la naissance du surréalisme ?
Dès la fin du xixe siècle, certains artistes peuvent apparaître comme les annonciateurs du bouleversement qui a donné naissance au surréalisme. Par exemple, lorsque Charles Baudelaire écrit : « Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, / Plonger au fond du gouffre, Enfer ouCiel, qu’importe ? / Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! » (« le Voyage », les Fleurs du Mal, 1861), il pose des jalons pour une recherche poétique future. Alfred Jarry, avec sa pièce Ubu roi (1896), bouleverse quant à lui toutes les conventions théâtrales.
Parallèlement, les premiers travaux de Sigmund Freud paraissent au début du xxe siècle, mettant l’accent sur l’inconscient, lespulsions, et les conflits avec la morale qui en résultent.
Mais c’est véritablement la Première Guerre mondiale qui constitue le séisme majeur : après avoir causé plus de huit millions de morts, la « grande boucherie » laisse à la jeunesse de l’époque le sentiment d’un gâchis irréparable et absurde.
Le surréalisme naît de ces différents événements. Par ses thèmes, il renoue d’une certaine façonavec le romantisme des années 1830 : la jeunesse s’insurge contre les valeurs d’une société faisandée, elle lie son désir de vivre à la quête de la poésie, elle conteste la valeur de la raison. Cependant la révolte surréaliste est bien plus radicale que celle des romantiques : sa violence est celle de l’époque et son but affiché est de faire éclater toutes les formes pour libérer les forces vives dela pensée et du désir. Cette entreprise de dynamitage commence en 1918 avec le mouvement Dada animé par Tristan Tzara : « Liberté : DADA, DADA, DADA, hurlement des couleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions : LA VIE. » (Tzara, Manifeste Dada, 1918)
Le mouvement se prolonge et s’accomplit ensuite par le rassemblement, autour d’André Breton et de la revueLittérature, du premier groupe surréaliste : des poètes comme Louis Aragon, Philippe Soupault, Robert Desnos, Paul Éluard ; des peintres comme Max Ernst, Francis Picabia, bientôt suivis de Salvador Dali et Giorgio De Chirico ; des cinéastes, enfin, comme Luis Buñuel ou René Clair.

2. Quelles tâches s’assigne le mouvement surréaliste ?
Comme le dadaïsme, le surréalisme refuse les conventionsbourgeoises dans le domaine esthétique et moral, tout autant que la politique qui a mené au désastre de la guerre. Ainsi, le « beau » académique, le « bon goût » sont vivement critiqués. On leur préfère les arts primitifs, les œuvres rejetées, comme celles de Sade ou de Lautréamont (les Chants de Maldoror) ; on célèbre l’ humour noir (dont Breton compose une anthologie, publiée en 1940), l’érotisme ; ontransgresse tous les tabous. De même, la logique courante, les évidences psychologiques, les règles d’écriture, sont remises en cause par les surréalistes.
La publication en 1919 des Champs Magnétiques par Soupault et Breton, puis du Manifeste du surréalisme (Breton, 1924), assigne au mouvement la tâche d’explorer l’inconscient (Breton a lu Freud et pratiqué ses méthodes en tant que médecinpsychiatre). Cette mission implique une double révolution esthétique : d’une part, l’art cesse d’être une fin pour devenir un moyen (c’est la fin du symbolisme et de l’art pour l’art) ; d’autre part, en se vouant à l’inconscient, il cesse d’être une technique de représentation. Le surréalisme récuse ainsi, d’un même trait, et l’art et les artistes. Il leur substitue deux autres termes : d’un côté,…