Secu

Jean MAGNIADAS Confér ence pr ésentée le 9 octobr e 2003 à l’Institut CGT d’histoir e sociale

Histoire de la Sécurité sociale
I. Origines lointaines
Le besoin de se protéger contre les risques est ancien. Il a longtemps été renvoyé à la charité, à la solidarité familiale dont les limites apparaissent rapidement. C’est un besoin antérieur au mode de production capitaliste. Dans les sociétésanciennes avoir beaucoup d’enfants constituait la meilleure garantie des vieux jours, la solidarité entre les générations était assurée à l’intérieur de la famille. Les collectivités religieuses vont quadriller l’Europe d’un réseau d’hôpitaux et d’hospices, les corporations et le compagnonnage organiseront la solidarité, ainsi que les nobles, les propriétaires terriens. Les artisans nourrissaientet logeaient leurs serviteurs, les vieux travailleurs et leurs ouvriers. L’État monarchique créa, sous SaintLouis, l’Hôpital des Quinze-Vingt et, sous Louis XIV, les Invalides pour les militaires. Ces activités se placent sous le signe de la charité ou de l’assistance, sauf pour les corporations où existe une notion de solidarité. Au total, la réponse aux risques subis par les populations restaitfaible, aléatoire, sauf pour les mines, la Marine royale et l’armée. La première réponse cohérente au problème de la pauvreté vient de l’Angleterre élisabéthaine, précurseur avec ses lois successives donnant aux pauvres1 une certaine protection. La plus importante de ces lois date de 1601 et demeure en vigueur jusqu’en 1834. Elle confère un droit à l’assistance à tous les membres d’une paroisse età celle-ci l’obligation de l’assister en argent s’il s’agit d’un enfant ou d’un invalide, sous forme de travail s’il s’agit d’un indigent valide (à domicile ou dans des ateliers collectifs). Ce droit est remis entre les mains de l’Église et des notables. Celui qui refusait d’exécuter le travail relevait de la prison. Cette réglementation permettait, non seulement d’entretenir les pauvres, mais deneutraliser les « déviants », et tentait de les intégrer dans le monde du travail. On réprimera la mendicité. La stigmatisation de l’état de chômeur, associé à la paresse, fait partie de l’héritage de ces pratiques. Les mesures de protection des pauvres aussi répressives qu’elles soient susciteront bien des controverses. Les économistes classiques, Adam Smith, Ricardo, Malthus, fondateurs dulibéralisme économique, reprochent aux lois sur les pauvres de multiplier leur nombre, en favorisant une natalité excessive, provoquant la baisse des salaires et le chômage. Au total, la pensée libérale du XIXe siècle s’opposa à toute aide systématique destinée à compenser les risques sociaux, alors que la ‘’liberté du travail’’ et la concurrence contribuaient à augmenter le nombre des indigents : letravail devient une marchandise. C’est l’enfer du paupérisme. Le gâchis de force de travail va finir par nuire à l’exploitation capitaliste qui exige une force de travail stable, en bonne santé.
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Marx relève que la législation, qu’il qualifie de sanguinaire, appliquée en Grande Bretagne, a un caractère férocement répressif à l’encontre des pauvres contraints à mendier, dont Thomas More, leurcontemporain, dira qu’on les força à vagabonder et à voler et il relève que la législation française lui sera parallèle. (Le Capital LI T.III p. 178).

Traduction du libéralisme de la bourgeoisie montante, de sa conception individualiste, la Révolution française condamnera les associations ouvrières, le corporatisme et la fameuse loi Le Chapelier ne reconnaît pas vraiment les Sociétés de secoursmutuels. Elle ne nie pas qu’elles puissent être utiles, mais elle considère que c’est aux pouvoirs publics, à la Nation de fournir des travaux à ceux qui en ont besoin et des secours aux infirmes. La Constitution de 1793 les qualifiera de « dette sacrée ». Elle ignorera cette promesse. Un siècle s’écoulera entre la définition du principe de solidarité sociale et son application, timidement…