Dissertation « le poète doit être un professeur d’espérance » (jean giono)

DISSERTATION

« Le poète doit être un professeur d’espérance » (Jean Giono)
ui est­il, celui qui, à l’autre bout de la plume, tient le lecteur prisonnier de ses mots ou tente de lui donner la clef d’univers nouveaux et insoupçonnés ? Qui est­il celui que tant ont essayé de définir mais qui, toujours a su surprendreen s’extrayant des définitions trop strictes que l’on a voulu faire de lui ? Prince des nuées selon Baudelaire ou noble nigaud selon Flaubert? Visionnaire ou simplement amoureux des mots ? Qui est le poète, si merveilleux pour les uns mais insignifiant pour les autres ? Pour Jean Giono, il se doit d’être un professeur d’espérance… Analyser une telle citation, c’est partir à la découverte de la poésie dans tous ses états, à travers les courants et les âges…embarquement immédiat ! oète » est bien souvent synonyme de « rêveur », mais certes pas un synonyme noble de nigaud. On abordera le vocable sous un jour plus optimiste en s’en remettant à Aragon qui parle plutôt d’un poète qui voit plus haut que l’horizon et dont le futur est le royaume. Quel beau rêveur il devient alors. Loin du portrait du doux rêveur égaré que l’on serait tenté de dresser de lui, il s’élève alors en visionnaire brillant. Le poète se fait utopiste, toujours en quête d’idéal, même en plein « spleen »… Il tend vers des puretés multiples. Versificateur, il vise la pureté esthétique, à la quintessence de l’art. Vocables rares, agrément aux règles de versification, richesse de la rime, subtilité de l’énonciation… tels sont ses Graals ! Ce serait faire honte à un si bel écrin que d’y abandonner des sentences creuses et de vaines paroles. C’est pourquoi, tant que faire se peut, le chantre se complait à y déposer une perle qui en soit digne… Après avoir flatté la sensibilité, le poète met à l’épreuve l’intellect et excite la sagacité de son lecteur. Combien il est plaisant de s’attarder à la lecture d’un poème, combien celle­ci peut se révéler riche quelquefois… Quel meilleur exemple pourrait­ on trouver que celui du prince des poètes lui­même, leur parangon, celui dont Dante a dit qu’il était delli altri poeti onore e lume, « l’honneur et la lumière des autres poètes » : Virgile. On ne saurait que recommander de s’attarder l’espace d’un instant sur ses chants épiques tant ils sont subtils. Ils méritent réellement une lecture attentive qui montrera parfaitement combien la forme s’y épanouit en parfaite harmonie avec le fond. À la déclamation, la prononciation de ses hexamètres dactyliques met en avant de façon naturelle des détails subtils pourtant insoupçonnés a priori… C’est là toute la magie du travail d’un poète au faîte de son art, lorsqu’il parvient, naturellement, à «P allier satisfaction aux contraintes stylistiques et mise en évidence de messages multiples. Quand la poésie est belle, elle mérite d’être lue ! Quitte à s’y aventurer en compagnie d’un cicérone qui saura mettre en éveil la sensibilité du lecteur. Le poète montre que la beauté existe, ne serait­ce que dans le verbe… Puisse le verbe se faire chair ! Et s’il ne s’agissait là que d’utopie, ce serait tellement beau d’y croire ! Résolument, le poète ravive les espérances ! Analysée seule, la conception du poète­professeur est attestée par de nombreux exemples. Victor Hugo en est l’un des plus ardents promoteurs, lui qui voit dans le rhapsode un guide qui montre aux hommes la voie de la vérité et leur enseigne des secrets que lui seul est à même de percevoir, tel le philosophe de Diderot : « Peuples ! Écoutez le poète ! ». Une telle notion n’est pas neuve et semble même inhérente au genre poétique. Ainsi, dans la Grèce antique déjà, on parlait du poète en tant qu’« éducateur du peuple ». En effet, depuis Périclès, toute la population de la cité était conviée aux représentations théâtrales. Y assister relevait du devoir civique. Il incombait dès lors à l’aède dont la …