Enfance

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Une souffrance maltraitée
Parcours et situations de vie des jeunes dits `incasables´

Recherche réalisée pour et financée par l’ONED, le Conseil général du Val-de-Marne et le Conseil général du Val d’Oise

Synthèse

Jean-Yves Barreyre (chef de projet), Patricia Fiacre, Vincent Joseph, Yara Makdessi

Août 2008

Oned – 63 Bis Boulevard Bessières – 75017 Paris – [email protected]

La présente recherche a été sélectionnée et financée par l’ONED dans le cadre d’un appel d’offres portant sur les incasables (3 études) et co-financée par les départements du Val d’Oise et du Val de Marne. Deux comités de pilotages départementaux et un comité de pilotage général ont été mis en place. Ceux-ci ont accompagné, discuté, voire reciblé chaque étape de la recherche telle qu’elleavait été présentée et validée par le conseil scientifique de l’ONED. Plus de cent cinquante professionnels de l’Aide sociale à l’Enfance, de la pédo-psychiatrie et du médico-social ont participé concrètement à l’enquête, dans le repérage des situations d’incasabilité, dans la connaissance des situations et dans les mises en relation avec les jeunes et leur entourage. Le terme d’ « incasables »,émergeant à la fin du XXème siècle, n’a à notre connaissance aucune définition précise ou admise par la communauté scientifique. Il est utilisé de manière commode par les professionnels de terrain pour désigner des situations d’enfant ou de jeune en danger qui posent problème aux institutions sanitaires et sociales et aboutissent de manière récurrente à des ruptures dans les accueils, lesaccompagnements, les soins et ou les dispositifs mis en place pour répondre aux difficultés ou aux dangers rencontrés par ceux-ci. Les jeunes dits « incasables » sont une « population à la limite des institutions » (Barreyre, 1997), dont les caractéristiques et les besoins spécifiques relèvent en général de plusieurs modes de prise en charge (sanitaire, sociale, médico-sociale, judiciaire) et qui le plussouvent ont mis à l’épreuve, voire en échec, des équipes professionnelles successives dont le cadre de travail ne convenait pas à leur problématique situationnelle. Un des premiers objectifs de la recherche est de comprendre ce que recouvrent, pour les professionnels qui utilisent le terme, les situations d’incasabilité.

1° Cadre d’analyse, objectifs et méthodologie : La littérature prolifiquesur les jeunes dits difficiles privilégient trois entrées : l’organisation psychopathologique, les manifestations et comportements (a)sociaux (violence, délit, incivilité), et les formes de socialité et le positionnement social (l’organisation plus ou moins stable de la bande ou de « la galère » articulée avec le positionnement social, économique, géographique, culturel, voire ethnique). Lasituation juvénile de grande difficulté est référée le plus souvent à six types de causes non exclusives : le contexte éducatif (familial, mésologique), le cadre de vie (le plus souvent urbain), l’origine sociale et/ou ethnique, l’utilité/non utilité sociale (et l’absence de travail), les conditions sociales, l’usage de drogues. Les approches psychosociales (CHARTIER, 1997) y ajoutent les repèresbiographiques de la personnalité psychopathique ainsi que la problématique comportementale des trois D (le déni, le défi, le délit). Mais il existe encore peu de publications sur les situations d’incasabilité qui semblent correspondre à cette période entre 1975 et aujourd’hui où, de manière tout à fait officielle et réglementaire, les réponses sociales passaient (et passent encore de manière prioritaire)par les « institutions sociales » : la loi 734 du 30 juin 1975 sur, justement, les institutions sociales et médico-sociales, ne fut réformée qu’en janvier 2002 par une loi « rénovant l’action sociale ». Entre temps, c’est bien la réponse institutionnelle (par une logique d’établissements) qui fut privilégiée (BARREYRE, 2004). Au-delà de la question de la définition, les travaux récents,…