L’argent et la violence

Dissertation sur l’argent et la violence

Robert Musil écrit dans son roman L’Homme sans qualités: « L’argent n’est-il pas un moyen de traiter les relations humaines aussi sûr que la violence, et ne nous permet-il pas de renoncer au trop naïf usage de celle-ci? Il est de la violence spiritualisée: une forme particulière, souple, raffinée, créatrice, de la violence». Cette analyse voussemble-t-elle rendre compte de l’argent tel que le présentent les différentes œuvres au programme?

INTRODUCTION
Shakespeare dans Timon d’Athènes fait dire à un de ses personnages: «Allons, métal maudit, putain commune à toute l’humanité, toi qui sèmes le trouble parmi la foule des nations». C’est donc que l’argent introduit dans les relations entre les hommes une dimension de lien universel et,paradoxalement, il est l’occasion de dissensions qui peuvent aller jusqu’à la violence. Comme le rappelle l’écrivain Robert Musil dans son roman L’Homme sans qualités «L’argent n’est-il pas un moyen de traiter les relations humaines aussi sûr que la violence, et ne nous permet-il pas de renoncer au trop naïf usage de celle-ci? Il est de la violence spiritualisée: une forme particulière, souple,raffinée, créatrice, de la violence.» Musil évoque la Vienne du début du XXème siècle juste avant la Première Guerre mondiale. C’est une société très riche sur le plan financier comme sur le plan culturel mais où règne cependant une violence aseptisée : antisémitisme, frustration de la sexualité, mise à l’écart des femmes. En quoi l’argent est-il une forme de violence à la fois régulatrice, médiatrice, etcréatrice?
Cette double valeur de l’argent, à la fois destructeur et créateur, se lit-elle aisément dans les œuvres au programme?
Nous tenterons, dans un premier temps de démontrer que l’argent équivaut à la violence dans les rapports humains. Par ailleurs, nous analyserons sa double valeur en tant qu’outil le plus pur mais aussi comme médiateur de cette violence qu’il sublime. Nous établirons,pour finir, autant que faire se peut, que l’argent n’élimine pas complètement la violence, il peut aussi l’engendrer.
I L’argent équivaut à la violence pour réguler les rapports humains
L’argent, en tant que puissance équivaut à «pouvoir, capacité» et «moyen financier considérable» crée des rapports dominants, dominés. Harpagon domine toute sa famille et toute sa maisonnée. Gundermann est roiincontesté de la Bourse de Paris, de la finance et du monde entier «comme Dieu qui fait le tonnerre», il est «roi de l’or».
L’argent, quand on le possède, permet d’acheter tout ce que l’on désire et souhaite obtenir sans violence physique: Saccard devenu riche n’a plus besoin de violer, il achète les femmes qu’il désire, la baronne Sandorff, Madame de Jeumont. Harpagon, vieillard avare et laidachète Mariane qu’il espère épouser. L’argent est donc une violence sublimée, Musil dit «spiritualisée».
Au lieu d’avoir recours à la violence, on force l’autre par ses moyens financiers. Et la lutte, de physique et brutale, sur le seul terrain de la force, se déplace sur un terrain plus social, sans que les individus aient recours à la violence. Ainsi dans L’Argent Saccard, habité par la haine deGundermann, au lieu de le tuer, veut le détruire financièrement. La Bourse devient alors le terrain d’une lutte épique entre les deux hommes, accompagnés chacun de leur armée respective. Si l’argent est bien le «moyen» utilisé dans sa «série téléologique» Saccard pour abattre Gundermann, l’argent est donc bien une violence médiatisée, un pur moyen à servir sa fin, détruire G. On voit d’ailleurs biendans le ch. III toute la violence de la haine antisémite de S. qui est ici canalisée par la violence de l’attaque boursière. Lorsque l’argent ne peut plus être le médium, le médiateur de la violence antisémite, cela donne la «Nuit de cristal», la déportation massive et l’extermination. La violence n’est alors plus sublimée mais s’exprime dans toute son horreur.
L’avarice, telle qu’elle est…